Clause de non réafiliation – n° 10/24013 du 3 avril 2013

 La clause de non réafiliation prévue en cas de résiliation anticipée d’un contrat de franchise dans le secteur de la distribution alimentaire ne se justifie pas par la nécessité de protéger le savoir faire du franchiseur. L’ancien franchiseur ne peut rechercher la responsabilité du nouveau fournisseur en se fondant sur la violation de la clause de non réafiliation.

CA Paris PÔLE 05 CH. 043 avril 2013N° 10/24013

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Décembre 2010 – Tribunal de Commerce d’EVRY – 3ème Chambre RG n° 2008F00212

 Jonction RG N° 10/24273

APPELANTE

 SAS DISTRIBUTION ALIMENTAIRE PARISIENNE DIAPAR prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

ZI du Moulin à Vent Rue des Mares Juliennes
91380 CHILLY MAZARIN

Représentée par la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES (Me Michel GUIZARD), avocats au barreau de PARIS, toque L0020
Assistée de Me Pascal BROUARD plaidant pour la SCP BROUARD, avocat au barreau de PARIS, toque P 64

INTIMES

Société CARREFOUR PROXIMITE FRANCE – SAS anciennement dénommée PRODIM agissant poursuites et diligences de son Président en exercice y domicilié

Ayant son siège social
Zone Industrielle Route de Paris
14120 MONDEVILLE

Société CSF CHAMPION SUPERMARCHE FRANCE SAS agissant poursuites et diligences de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social
Z. I. Route de Paris
14120 MONDEVILLE

 Représentées par la SELARL SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE (Me Luca DE MARIA), avocats au barreau de PARIS, toque L0018

 Assistées de Me Pascal COSSE plaidant pour cabinet Baron Cossé & Gruau, avocats au barreau d’Evreux

Monsieur Christian R.
5/7 Rue Gambetta

Assignée à personne et n’ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 février 2013, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame COCCHIELLO, Président et Madame LUC, Conseiller chargée d’instruire l’affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame COCCHIELLO, Président

Madame LUC, Conseiller, rédacteur

Mme POMONTI, Conseiller désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d’Appel de Paris en vertu de l’article R 312-3 du code de l’organisation judiciaire pour compléter la chambre.

Greffier, lors des débats : Madame GAUCI

ARRÊT :

– réputé contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame COCCHIELLO, Président et par Madame GAUCI, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

*****

Vu le jugement rendu le 08 décembre 2010 par lequel le Tribunal de commerce d’ Evry a déclaré recevables mais mal fondées les tierces oppositions incidentes formées par la société DIAPAR «’DISTRIBUTION ALIMENTAIRE PARISIENNE’» (ci-après DIAPAR) contre les sentences arbitrales des 26 décembre 2006 et 20 juin 2008, jugé qu’il y a eu violation, par M. Christian R., des articles 3.3.2 et 6 du contrat de franchise signé avec la société PRODIM et de l’article premier du contrat d’approvisionnement signé avec la société CSF, constaté que la société DIAPAR a participé aux violations précitées et engagé sa responsabilité, condamné, sous le régime de l’exécution provisoire, la société DIAPAR à verser la somme de 40.000€ à la société PRODIM

pour sa participation aux violations de l’interdiction d’adhérer à un réseau concurrent et de la clause de non réaffiliation du contrat de franchise, condamné la société DIAPAR à verser à la société CSF la somme de 41.670€ eu réparation du préjudice subi au titre de la perte de marge pour non-exécution du contrat d’approvisionnement, débouté la société DIAPAR de toutes ses demandes reconventionnelles, condamné la société DIAPAR au versement de la somme de 5.000€ à chacune des sociétés PRODIM et CSF sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile’;

Vu l’appel interjeté par la société DIAPAR le 16 décembre 2010 ;

Vu l’ordonnance de jonction des deux appels du conseiller de la mise en état de la Cour d’appel de Paris, en date du 18 janvier 2011 ;

Vu les conclusions signifiées par la société DIAPAR le 15 février 2013 afin que le jugement entrepris soit infirmé en ce qu’il emporte condamnation de la société DIAPAR, que les articles 3.3.2 et 6 du contrat de franchise et l’article 1 du contrat d’approvisionnement soient dit nuls et de nul effet en ce qu’ils constituent des pratiques anticoncurrentielles prohibées, qu’il soit dit que les dispositions des sentences arbitrales rendues le 26 décembre 2006 et le 20 juin 2008 portent préjudice à la société DIAPAR et qu’elles soient réformées en ce qu’elles ont condamné M. R. à indemniser les sociétés PRODIM et CSF, que les sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE (anciennement dénommée PRODIM) et CSF soient déboutées de leurs demandes à l’encontre de la société DIAPAR, que les sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE (PRODIM) et CSF soient condamnées, in solidum, à verser à la société DIAPAR la somme de 500.000€ au titre du préjudice subi du fait de leurs pratiques restrictives de concurrence, à titre subsidiaire que la Cour saisisse l’Autorité de la Concurrence pour avis sur la conformité de la clause de non réaffiliation et de la clause d’adhésion prévues dans les contrats de franchise de la société PRODIM et de la clause d’approvisionnement prioritaire prévue par le contrat d’approvisionnement, que les sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE (PRODIM) et CSM soient condamnées in solidum au paiement d’une somme de 50.000€ pour procédure abusive, et d’une somme de 40.000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions signifiées par les sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE (PRODIM) et CSF le 19 février 2013 afin que la société DIAPAR soit déclarée irrecevable et mal fondée en sa tierce opposition incidente à l’encontre des deux sentences arbitrales, que les violations, par M. R., des clauses 3.3.2 et 6 du contrat de franchise et de l’article 1 du contrat d’approvisionnement soient constatées, que la société DIAPAR soit déboutée de toutes ses demandes reconventionnelles, que soient déclarées irrecevables les demandes tendant à réformer les sentences arbitrales en ce qu’elles ont condamné M. R., qu’il soit dit que la société DIAPAR a activement et intentionnellement participé à la violation des obligations contractuelles de M. R. à l’égard de CARREFOUR PROXIMITE FRANCE (PRODIM) et CSF et qu’en conséquence elle a engagé sa responsabilité délictuelle, que la société DIAPAR soit condamnée à verser à la société CARREFOUR PROXIMITE FRANCE (PRODIM) les sommes de 120.000€ pour sa participation à la violation d’interdiction d’adhérer à un réseau concurrent, 180.000€ pour participation à la violation d’une clause de non réaffiliation et 150.000€ au titre de la désorganisation du réseau PRODIM, et à verser à la société CSF la somme de 667.303€, que la société DIAPAR soit enfin condamnée à verser à chacune de ces sociétés une somme de 10.000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile’;

SUR CE

Considérant qu’il résulte de l’instruction les faits suivants’:

Le 16 avril 1997, la société PRODIM et M. Christian R. ont signé un contrat de franchise

relatif à l’exploitation de son fonds de commerce, situé à CHERBOURG, sous l’enseigne «’SHOPI’».

Le contrat, d’une durée initiale de sept ans, comportait une clause de renouvellement par tacite reconduction par période de quatre ans, à défaut de dénonciation par l’une ou l’autre des parties par lettre recommandée avec accusé de réception, dans le respect d’un préavis de six mois. La résiliation pour faute du franchisé est prévue à l’article 7, un mois après une mise en demeure. «’Une indemnité forfaitaire de résiliation HT égale à un an de cotisation de franchise calculée sur le Chiffre d’affaires TTC réalisé par le franchisé au cours des 12 mois précédents si la rupture de l’accord résulte d’une faute de ce dernier’» est stipulée à l’article 6.

L’exécution du contrat a été suspendue pendant une durée de deux ans si bien qu’il a été convenu qu’il n’expirerait que le 16 avril 2006.

Les articles 3.3.2 et 6 du contrat comportaient des clauses visant d’une part l’obligation du franchisé de non adhésion à «’une autre organisation ou groupement commercial (‘) ou organisme de distribution’» pendant la durée de l’accord et, d’autre part, de non réaffiliation à une enseigne et interdiction de vente de marchandises dont les marques y sont liées, en cas de rupture anticipée pendant une durée d’une année.

Le 3 octobre 2000, la société LOGIDIS, aux droits de laquelle se trouve la société CSF, a signé avec M. R., pour les besoins de l’exploitation de son fonds de commerce, un contrat d’approvisionnement pour une durée de cinq années, reconduite par période d’un an, sous réserve d’une dénonciation sous préavis de six mois. Ce contrat comportait, à l’article premier, l’engagement de M. R. de s’approvisionner de façon prioritaire auprès de la société LOGIDIS, ou bien auprès des fournisseurs que celle-ci aurait agréés. L’article 9 de ce contrat prévoyait la faculté pour le fournisseur de résilier le contrat pour faute du franchisé 15 jours après l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception. Le contrat prévoyait également une indemnité forfaitaire de résiliation due au fournisseur, égale à la perte de marge brute sur les années restant à courir, au moins égale à deux années.

Constatant, à la fin de l’année 2003, que M. R. s’approvisionnait de façon importante auprès d’un fournisseur concurrent, la société DIAPAR, la société CSF communiquait à celle-ci, par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 novembre 2003, copie du contrat d’approvisionnement signé par M. R.. Par lettre recommandée avec accusé de réception de la même date, la société PRODIM lui adressait une copie du contrat de franchise signé avec M. R.. Chacune des deux sociétés précisait à la société DIAPAR qu’elles entendaient voir leur contrat exécuté et respecté jusqu’à son échéance, faute de quoi, si la société DIAPAR passait outre, elles la considèreraient tiers complice, avec toute conséquence de droit.

Par jugement du 17 décembre 2004, le Tribunal de Commerce de CHERBOURG a débouté la société CSF de sa demande de voir interdire à M. R., sous astreinte, de s’approvisionner auprès d’une centrale concurrente. La société CSF relevait appel de ce jugement, mais se désistait par la suite.

La société PRODIM, quant à elle, mettait en demeure, le 15 juin 2005, M. R. de respecter son obligation de ne pas adhérer pendant la durée de son contrat, en tout ou partie auprès d’un organisme concurrent. Le 25 octobre 2005, elle constatait la résiliation du contrat et sollicitait la mise en œuvre d’une procédure d’arbitrage, conformément à l’article 12 dudit contrat.

Le Tribunal arbitral concluait, dans sa sentence du 26 décembre 2006, que M. R. avait violé ses obligations de non adhésion de juin à octobre 2005, puis de non réaffiliation post contractuelle le liant à PRODIM, l’achat de produits auprès de la société DIAPAR violant, selon lui, à la fois la clause de non adhésion pendant le contrat et la clause de non réaffiliation post contractuelle. M. R. a été condamné à payer les sommes de 18 213,75 euros à titre d’indemnité de résiliation,

80 000 euros pour violation de la clause de non adhésion, 20 000 euros pour la commercialisation, après la fin du contrat, des MDD de la société DIAPAR, «’Belle France’» et «’Winny’», et 75 000 euros pour atteinte à l’image du réseau résultant de ces violations contractuelles. Les pratiques ont été succinctement examinées sous l’angle du droit de la concurrence, à la demande de M. R., mais en vain.

Par suite, la sentence rendue le 20 juin 2008 par le Tribunal arbitral retenait que M. R. avait violé l’obligation d’approvisionnement prioritaire prévue par l’article 1er du contrat d’approvisionnement le liant à CSF, en s’approvisionnant majoritairement auprès de la société DIAPAR. Après un bref examen de sa situation de dépendance économique, demandé par M. R., le Tribunal arbitral a estimé qu’aucune pratique anticoncurrentielle n’avait été commise, et l’a condamné à payer la somme de 150 000 euros.

A la requête des société PRODIM et CSF, la société DIAPAR a été assignée à comparaître en tierce complicité devant le Tribunal de commerce d’Evry, par exploit du 14 mars 2007.

Le 5 mars 2008, M. R. a été assigné à comparaitre par la société DIAPAR en intervention forcée devant le Tribunal de commerce d’Evry, dans la suite de l’assignation dont elle avait fait l’objet.

Par le jugement déféré, le Tribunal a partiellement fait droit aux demandes des requérantes. Il a estimé que la société DIAPAR avait contribué à la violation, par M. R., des articles 3.3.2 (obligation de non adhésion) et 6 (clause de non réaffiliation) du contrat de franchise, ainsi que de l’article 1 du contrat d’approvisionnement prioritaire.

C’est dans ces conditions de fait et de droit qu’est née la présente instance.

Sur l’irrecevabilité des deux tierces oppositions incidentes de la société DIAPAR

Considérant que les intimées prétendent qu’une sentence arbitrale n’est pas susceptible de faire l’objet d’une tierce opposition incidente, sur le fondement des articles 1481 et 588 du Code de procédure civile, que la tierce opposition de la société DIAPAR est irrecevable sur le fondement de l’article 583 du Code de procédure civile, car l’appelante n’invoque pas de moyens propres et qu’enfin, l’effet dévolutif de la tierce opposition, dans l’hypothèse où elle serait recevable, limite le débat aux trois seules questions tranchées par les deux sentences arbitrales ;

Considérant que, si les deux sentences ne sont revêtues que d’une autorité relative de chose jugée qui n’a donc d’effets qu’entre les parties, elles n’en sont pas moins opposables aux tiers, de sorte que, bien que la société DIAPAR ne fut pas partie à la procédure arbitrale, la méconnaissance par M. R. des clauses susvisées au préjudice des sociétés PRODIM et CSL constitue un fait juridique dont la matérialité ne saurait être contestée dans le cadre du présent litige ;

Considérant que, pour écarter les conséquences d’une telle opposabilité relativement à la complicité de la violation de ces clauses de non adhésion, de non réaffiliation post contractuelle et d’approvisionnement prioritaire qui lui est imputée, la société DIAPAR a formé tierce opposition aux sentences ainsi rendues devant le Tribunal de commerce d’Evry qui l’a déclarée recevable ;

Considérant qu’il ressort de l’article 583, alinéa premier, du Code de procédure civile qu’ «’est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu’elle n’ait été ni partie ni représentée au jugement qu’elle attaque’» ; que par ailleurs l’intérêt d’une partie au succès d’une prétention doit être légitime, né et actuel, positif et concret ; qu’en l’espèce, les sentences arbitrales à l’encontre desquelles la société DIAPAR entend former tierce opposition, d’une part, reconnaissaient des manquements, dûment établis et constatés, de M. R. aux clauses susvisées, et, d’autre part, sont opposables à l’appelante dont la responsabilité est recherchée dans le

cadre de la présente instance au titre de la complicité dans la violation de ladite clause; que, dès lors, elle justifie de l’existence d’un intérêt à la réformation des deux sentences ;

Mais considérant que, cela étant posé, l’article 1501 du Code de procédure civile dispose que «'(la sentence arbitrale) peut être frappée de tierce opposition devant la juridiction qui eût été compétente à défaut d’arbitrage, sous réserve des dispositions du premier alinéa de l’article 588 alinéa 1 » ; que la tierce opposition peut donc non seulement être formée à titre principal, dans les conditions posées par le texte précité, mais aussi à titre incident, dans les conditions posées par l’article 588 alinéa 1 ; que celui ci dispose que «’la tierce opposition incidente à une contestation dont est saisie une juridiction est tranchée par cette dernière si elle est de degré supérieur à celle qui a rendu le jugement ou si, étant d’égal degré, aucune règle de compétence d’ordre public n’y fait obstacle. La tierce opposition est alors formée de la même manière que les demandes incidentes’» ; que l’article 1501 du Code de procédure civile, ne renvoie pas à l’article 588, alinéa 2, du Code de procédure civile, qui énonce que dans «’les’autres cas,’la tierce opposition incidente est portée, par voie de demande principale, devant la juridiction qui a rendu le jugement’» ; qu’ainsi, la tierce opposition incidente à une sentence arbitrale est possible devant une Cour d’appel ou une juridiction de premier degré, puisqu’aucune règle de compétence d’ordre public n’y fait obstacle ; que la Cour d’appel est, en l’espèce, saisie d’un appel contre le jugement du Tribunal de commerce qui était lui-même compétent pour en connaître ; que le moyen tiré de l’impossibilité de former tierce opposition incidente d’une sentence arbitrale doit donc être rejeté ;

Considérant que les intimées excipent de l’article 583 du Code de procédure civile, pour prétendre que la société DIAPAR, créancière de M. R., n’avait aucun moyen propre à faire valoir et que sa tierce opposition serait donc irrecevable ;

Mais considérant que cet article dispose qu »«’Est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu’elle n’ait été ni partie ni représentée au jugement qu’elle attaque. Les créanciers et autres ayants cause d’une partie peuvent toutefois former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits ou s’ils invoquent des moyens qui leur sont propres. (…)’» ; qu’il en résulte que les parties représentées ne peuvent faire tierce opposition, sauf les parties créancières dans les cas de fraude ou pour invoquer des moyens propres ; que cet article n’a donc pas la signification alléguée par les intimées et est donc inopérant en l’espèce, la société DIAPAR n’ayant pas été représentée devant les arbitres ;

Considérant enfin que les intimées exposent que l’effet dévolutif de ce recours est limité par les dispositions de l’article 582 qui dispose : «’La tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l’attaque. Elle remet en question relativement à son auteur les points jugés qu’elle critique, pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit’» ; qu’ainsi, selon elles, la société DIAPAR ne pourrait remettre en cause que la constatation de la violation des clauses par M. R. sans pouvoir avancer des moyens tirés d’infractions au droit de la concurrence ;

Mais considérant que si aucune prétention nouvelle ne peut être formée par rapport aux prétentions jugées qui sont critiquées, l’effet dévolutif de la tierce opposition autorise l’auteur du recours à invoquer les moyens qu’il aurait pu présenter s’il était intervenu à l’instance, à l’appui de sa prétention ; qu’ainsi, les moyens tirés de la violation du droit de la concurrence, qui soutiennent la prétention selon laquelle les clauses n’ont pas pu être violées par M. R. puisqu’elles sont nulles et de nul effet, sont-ils recevables ;

Sur le fond

Sur la clause d’approvisionnement prioritaire

Considérant que l’article 1 du contrat d’approvisionnement type proximité, signé entre LOGIDIS et M. R. stipule que «’le client s’engage à s’approvisionner de façon prioritaire auprès de

LOGIDIS ou auprès de fournisseurs que LOGIDIS a spécialement agréés’» ;

Considérant qu’il résulte des pièces du dossier que la société LOGIDIS a interprété et appliqué cette clause comme une clause d’approvisionnement exclusif, qui constitue une clause anticoncurrentielle par objet ;

Considérant, en effet, que s’étant aperçu que M. R. s’approvisionnait auprès de DIAPAR, la société LOGIDIS l’a assigné en référé devant le Tribunal de commerce de CHERBOURG aux fins qu’il lui soit interdit, sous astreinte, de s’approvisionner auprès d’une centrale concurrente ; que cette assignation traduit l’interprétation de la clause par la société LOGIDIS, de même que la lettre adressée par elle à la société DIAPAR, le 7 novembre 2003 ; que selon cette interprétation, la clause interdit en réalité au franchisé de s’approvisionner auprès de centrales d’achat qui peuvent être apparentées à des réseaux concurrents et sa violation constitue d’ailleurs également, selon PRODIM, une violation de la clause de non adhésion à un réseau du contrat de franchise, entraînant la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchisé ; que la clause de non adhésion, telle qu’appliquée par la société PRODIM, aboutit donc à imposer au franchisé un approvisionnement exclusif auprès de la société CSF puisque c’est la société PRODIM qui décide en réalité du fournisseur auprès duquel le franchisé peut s’approvisionner sans violer l’article 3.3.2 précité ; il faut noter à cet égard que l’article 25 du contrat de franchise prévoit que le franchiseur détermine «’un assortiment minimum devant obligatoirement figurer dans le type de magasin’», le franchisé s’engageant à «’détenir l’assortiment minimum défini par le franchiseur notamment en matière de «’marques propres’» ; que le fournisseur de ces marques propres étant la société LOGIDIS, les deux contrats forment un tout indissociable et la clause d’approvisionnement prioritaire doit être analysée dans ce contexte ;

Considérant qu’il en résulte que cette clause, appliquée comme une clause d’approvisionnement exclusif, doit, pour être licite au regard du droit de la concurrence, être indispensable à la mise en oeuvre d’un accord de franchise, c’est-à- dire organiser le contrôle indispensable à la préservation de l’identité et de la réputation du réseau qui est symbolisé par l’enseigne ; que les lignes directrices de la Commission sur les restrictions verticales (JOCE du 13 octobre 2000, C 291/29), qu’il faut considérer comme un guide d’analyse utile, précisent : « une obligation de non concurrence relative aux biens et services achetés par le franchisé ne relèvera pas de l’article 81 paragraphe 1 lorsqu’elle est nécessaire au maintien de l’identité commune et de la réputation du réseau franchisé. Dans de tels cas, la durée de l’obligation n’est pas un facteur pertinent au regard de l’article 81 paragraphe 1 pour autant qu’elle n’excède pas celle de l’accord de franchise lui-même » (paragraphe 200) ; qu’ainsi, dans le cadre d’un réseau de franchise, la sauvegarde de l’identité du réseau ainsi que la protection du savoir-faire du franchiseur justifient l’exercice par ce dernier d’un certain contrôle sur la politique commerciale des franchisés, qui ne saurait excéder ce qui est strictement nécessaire à la réalisation de ces objectifs ; qu’en l’espèce, l’obligation d’approvisionnement exclusif ne saurait être validée que si elle s’avère nécessaire à la cohésion du réseau, en raison notamment de la spécificité des marchandises vendues ; que dans le commerce de distribution alimentaire, l’exclusivité d’approvisionnement ne peut viser que les marchandises propres au réseau, qui sont notamment les MDD ; que l’objectif du maintien de l’identité commune et de la réputation du réseau de distribution SHOPI permet donc au franchiseur d’exercer un contrôle sur l’approvisionnement du franchisé, en terme d’assortiment minimum dans ses marques propres, permettant de garantir que les clients disposent d’un produit de sa marque, homogène dans l’ensemble des supérettes SHOPI ; qu’interdire en revanche tout approvisionnement que ce soit, même en marques nationales, auprès de centrales d’achat concurrentes, produits qui ne se distinguent absolument pas les uns des autres selon le grossiste vendeur, sauf par les prix, s’avère totalement disproportionné à la défense des intérêts légitimes du franchiseur, et constitue une clause anticoncurrentielle, car elle n’est pas proportionnée aux nécessités de la protection du savoir-faire, du réseau et de la défense des intérêts légitimes du franchiseur ; qu’elle vise, en réalité, à se garantir l’approvisionnement intégral du magasin SHOPI aux prix déterminés par CARREFOUR et empêche le franchisé de bénéficier de prix plus intéressants ; que ces objectifs sont étrangers à la protection des intérêts légitimes du franchiseur,

mais ont pour effet de porter une atteinte illégitime à la liberté du franchisé d’exercer son commerce dans des conditions normales ; que, par suite, ces obligations sont contraires aux dispositions de l’article L. 420-1 du Code de commerce ; que cette clause échappe à l’exemption automatique du règlement 330/2010, selon l’article 5 de celui ci qui dispose :’«’ 1. L’exemption prévue à l’article 2 ne s’applique pas aux obligations suivantes contenues dans des accords verticaux : a) toute obligation directe ou indirecte de non concurrence dont la durée est indéterminée ou dépasse cinq ans’», une obligation de non concurrence étant définie comme «'(…) toute obligation directe ou indirecte imposant à l’acheteur l’obligation d’acquérir auprès du fournisseur ou d’une autre entreprise désignée par le fournisseur plus de 80 % de ses achats annuels en biens ou en services contractuels et en biens et en services substituables sur le marché en cause, calculés sur la base de la valeur ou, si cela est de pratique courante dans le secteur, du volume des achats qu’il a effectués au cours de l’année civile précédente’» ;

Considérant que la société CARREFOUR prétend qu’il s’agit d’une clause d’approvisionnement majoritaire auprès de la société LOGIDIS, suivi en cela par le Tribunal arbitral ; que le Tribunal de commerce de CHERBOURG en a eu une autre interprétation selon laquelle le franchisé est autorisé à s’approvisionner auprès de concurrents, si les prix pour des articles équivalents sont plus bas que ceux de LOGIDIS ; qu’en toute hypothèse, la société DIAPAR ne peut se voir reprocher d’avoir contribué à violer cette clause, dont l’ambiguïté est démontrée par ses multiples interprétations, et à laquelle les sociétés intimées ont conféré une portée anticoncurrentielle ; que n’ayant commis aucune faute, la société DIAPAR ne peut être poursuivie pour tierce complicité de la prétendue violation d’une clause à la portée incertaine ; que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point ;

Sur la clause de non adhésion prévue au contrat de franchise

Considérant que l’article 3.3.2 du contrat de franchise dispose que le franchisé s’engage à «’ne pas adhérer pendant la durée de l’accord pour une activité similaire à un autre organisation ou groupement commercial, en tout ou en partie ou à un autre organisme de distribution, quelle qu’en soit la forme juridique ou économique’» ; que la société PRODIM prétend qu’en s’approvisionnant auprès de la société DIAPAR, sans avoir pour autant adopté aucune enseigne concurrente, M. R. aurait violé ladite clause ;

Considérant que les clauses restreignant la liberté du franchisé sont d’interprétation stricte ; que la société DIAPAR est une centrale d’achat et non un «’organisme de distribution’», concurrent de la société PRODIM ; que la circonstance que la société DIAPAR anime par ailleurs les enseignes G 20, DIAGONAL et CITYS est indifférente au présent litige ; qu’on peut, en revanche, la qualifier du terme flou employé dans la clause de « autre organisation ou groupement commercial’» ; mais que, il ne peut être inféré de l’approvisionnement auprès de la société DIAPAR, même majoritaire, l’adhésion à cette centrale d’achat, celle-ci devant être démontrée par le franchiseur et ne pouvant se présumer ; qu’une telle interprétation de la clause, qui a été celle retenue par le Tribunal arbitral, conduit, comme vu plus haut, à une interdiction de s’approvisionner auprès d’un organisme concurrent, quelqu’il soit, à la discrétion du franchiseur, si l’instauration de relations commerciales suivies avec un partenaire implique une «’adhésion’» au sens du contrat ; que l’application donnée par la société PRODIM à cette clause lui confère une portée de clause d’approvisionnement exclusif auprès du franchiseur, exclusivité qui est constitutive d’une pratique anticoncurrentielle, comme vu plus haut ; qu’en toute hypothèse, la société DIAPAR ne peut se voir reprocher d’avoir contribué à violer cette clause, dont l’ambiguïté ressort de ses multiples interprétations, et à laquelle les sociétés intimées ont conféré une portée anticoncurrentielle que n’ayant commis aucune faute, la société DIAPAR ne peut être poursuivie pour tierce complicité d’une clause sur la portée de laquelle personne ne s’accorde ; que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point ;

Sur la clause de non réaffiliation’ post contractuelle

Considérant que l’article 6 du contrat de franchise stipule qu’ «’En cas de rupture de la présente

convention avant son terme et sans préjudice de l’exercice de la clause pénale ci-dessus et de toute demande de dommages intérêts complémentaire, le franchisé s’oblige à ne pas utiliser directement ou indirectement, personnellement ou par personne interposée, en société ou autrement, durant une période de un an à compter de la date de résiliation du présent contrat, une enseigne de renommée nationale ou régionale déposée ou non et à ne pas offrir en vente des marchandises dont les marques sont liées à ces enseignes (marques propres) ceci dans un rayon de cinq kilomètres du «’magasin Shopi’» faisant l’objet du présent accord’» ; que la clause est libellée de telle sorte que l’obligation de non réaffiliation ne pèse sur l’ex franchisé que si le contrat est rompu avant son terme ;

Considérant que les clauses de non affiliation ou de non concurrence post contractuelles peuvent être considérées comme inhérentes à la franchise dans la mesure où elles permettent d’assurer la protection du savoir faire transmis qui ne doit profiter qu’aux membres du réseau et de laisser au franchiseur le temps de réinstaller un franchisé dans la zone d’exclusivité ; que ces clauses doivent cependant rester proportionnées à l’objectif qu’elles poursuivent ;

Considérant qu’il convient tout d’abord de souligner que la clause litigieuse comporte une interdiction de réaffiliation, mais également de vente de produits MDD provenant de réseaux ; que la restriction apportée à la liberté commerciale du franchisé est donc plus grande ;

Considérant que M. R. n’a violé que la seconde obligation, en commercialisant la marque Belle France ;

Considérant que s’agissant des justifications alléguées par les sociétés PRODIM et CSF, et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le caractère substantiel du savoir faire de la société PRODIM, sa consistance apparaît, de prime abord, limitée ; qu’eu égard, notamment, à la généralité du commerce alimentaire de proximité concerné, et à la nature du savoir faire transféré, nécessairement lié à celle du commerce exploité, et donc en l’espèce de faibles technicité, spécificité, et originalité, il n’est aucunement établi que les obligations de l’article 6 du contrat soient indispensables à la protection du savoir faire transféré, et encore moins la seule obligation de ne pas vendre de MDD concurrentes ;

Considérant que l’interdiction de commercialiser des MDD de réseaux concurrents, pendant un an et sur un rayon de 5 kilomètres et non dans le seul magasin concerné, et alors que l’ancien franchisé n’adhère à aucun réseau et n’arbore aucune enseigne, ne peut être justifiée par la protection de l’image de marque du réseau, l’ancienne enseigne ayant été déposée et aucune nouvelle enseigne n’étant exposée ; que la société PRODIM a elle même proposé des produits de marque Winny à ses franchisés et les marques de MDD de la société PRODIM (Grand Jury, Reflets de France) sont disponibles dans toutes les enseignes ;

Considérant, par ailleurs, que la protection du savoir faire et des intérêts légitimes du franchiseur est d’autant moins concernée par la clause qu’elle ne s’applique pas lorsque le contrat vient normalement à son terme, mais seulement s’il prend fin par anticipation en raison de fautes du franchisé ; que l’obligation de non réaffiliation litigieuse est conçue par les sociétés CARREFOUR et CSF comme une mesure préventive, visant à décourager les franchisés de quitter prématurément le réseau ;

Mais considérant que cette utilisation d’une obligation de non réaffiliation à titre de pénalité ou de mesure préventive, est étrangère à la protection des intérêts concurrentiels du franchiseur ; que cet objectif ne peut légitimer le recours à des clauses restrictives de concurrence ; que le franchisé déloyal est déjà sanctionné par la clause pénale prévue au contrat et il s’avère totalement inapproprié et disproportionné de le sanctionner par une atteinte à sa liberté commerciale aussi lourde que celle de la clause litigieuse ;

Considérant, enfin, que disproportionnée au but poursuivi, la clause l’est aussi dans sa durée et son périmètre ; qu’il n’est pas démontré que le commerce de distribution de détail alimentaire présente une technicité telle qu’il impose une clause de non réaffiliation d’une durée d’un an et d’un périmètre

de 5 kilomètres autour du magasin concerné ;

Considérant, par ailleurs, que la clause litigieuse est exclue du bénéfice de toute exemption par catégorie, au sens du règlement 330/2010 ; qu’en effet, elle relève du b) de l’article 5 du règlement qui énumère les restrictions exclues de l’exemption prévue à l’article 2 et cite parmi celles ci «’b) toute obligation directe ou indirecte interdisant à l’acheteur, à l’expiration de l’accord, de fabriquer, d’acheter, de vendre ou de revendre des biens ou des services’» ; que «’par dérogation au paragraphe 1, point b), l’exemption prévue à l’article 2 s’applique à (cette obligation) (‘) lorsque les conditions suivantes sont remplies: a) l’obligation concerne des biens ou des services en concurrence avec les biens ou services contractuels ; b) l’obligation est limitée aux locaux et aux terrains à partir desquels l’acheteur a exercé ses activités pendant la durée du contrat ; c) l’obligation est indispensable à la protection d’un savoir faire transféré par le fournisseur à l’acheteur ; d) la durée de l’obligation est limitée à un an à compter de l’expiration de l’accord’» ; qu’en l’espèce, la clause interdit l’exercice d’une activité affiliée dans un rayon de 5 kilomètres et n’est pas limitée aux locaux et aux terrains où le franchisé exerçait son activité au sein du réseau CARREFOUR ; que la clause n’est donc pas couverte par le règlement d’exemption ;

Considérant, enfin, que l’interdiction portant sur les MDD prive l’ancien franchisé de la possibilité de s’approvisionner en produits attractifs sur lesquels s’opèrent les plus grosses marges, ce qui explique la part croissante des MDD dans l’assortiment du commerce de proximité ; que le positionnement concurrentiel du fond de commerce nécessite en effet de pouvoir vendre un assortiment de produits, dont 50 à 70 % de marques nationales, 20 à 30 % de MDD et 10 % de premiers prix ; que les MDD seraient environ 15 % moins chères et permettraient, grâce aux marges réalisées sur elles, de baisser les prix sur les marques nationales ; que la part des MDD dans le chiffre d’affaires des magasins affiliés à des réseaux avoisinait déjà les 30 % en 1995 ;

Considérant, en définitive, que par son étendue et la généralité de ses termes, cette clause interdit en fait tout exercice par l’ex franchisé d’un commerce analogue à celui qu’il exerçait en qualité de franchisé, pendant un an, dans toute la zone concernée, dans des conditions économiquement acceptables ; qu’elle a donc des effets restrictifs de concurrence comparables à ceux d’une clause de non concurrence ;

Considérant qu’eu égard à ce qui précède, cette clause, dont l’objet et la potentialité d’effets sont anticoncurrentiels, est contraire à l’article L. 420-1 du Code de commerce et est nulle et inopposable à la société DIAPAR, en vertu de l’article L.420-3 du même Code, aux termes duquel «’Est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée par les articles L.420-1, L.420-2 et L. 420-5 » ; qu’aucune tierce complicité ne peut donc lui être imputée ;

Sur le cumul des clauses susceptible de constituer une pratique anticoncurrentielle

Considérant que la société DIAPAR fait valoir que l’action concertée des intimées, par les obligations imposées contractuellement au franchisé, aboutit à la mise en place de pratiques anticoncurrentielles dans le but d’empêcher toute mobilité des commerçants indépendants au sein des réseaux de distribution et, ainsi, d’éliminer toute concurrence ; que la durée et l’échéance distinctes des contrats de franchise et d’approvisionnement, pourtant intimement liés, rendent impossible leur résiliation concomitante ; que l’imbrication des obligations entre elles restreint la liberté commerciale du franchisé et lui interdit en réalité tout approvisionnement extérieur et tout changement de réseau ;

Mais considérant que la Cour n’est saisie par l’effet dévolutif que des trois clauses examinées ci dessus et ne saurait se prononcer sur la pratique anticoncurrentielle dénoncée par la société DIAPAR ; que cette demande sera donc rejetée ;

Sur la demande de réformation de la sentence arbitrale concernant M. R.

Considérant que cette demande est irrecevable dans le cadre de la tierce opposition, «’le jugement primitif conserv ( ant) tous ses effets entre les parties, même sur les chefs annulés’», en vertu de l’article 591 du Code de procédure civile ;

Sur la demande indemnitaire de la société DIAPAR

Considérant que la société DIAPAR demande que les sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE (PRODIM) et CSF soient condamnées in solidum à lui verser la somme de 500.000€ au titre du préjudice subi du fait de leurs pratiques restrictives de concurrence ; qu’en effet, les clauses restrictives des contrats, l’attitude des deux sociétés intimées sur le terrain et les «’arbitrages à répétition’» lui ont fait perdre les ventes qu’elle aurait pu réaliser avec M. R. ; qu’elle verse aux débats un tableau dressé par elle, corroboré par les grands livres fournisseurs de M. R., cités par les sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE et CSF dans leurs écritures, retraçant les chiffres d’affaires réalisés avec celui ci pendant quatre ans ; qu’une marge de 18 % s’ avère, selon CARREFOUR PROXIMITE FRANCE, l’usage courant de la profession ; que par ailleurs, il n’est pas établi que les relations de DIAPAR avec M. R. auraient perduré ; que le préjudice sera donc évalué à la perte de la marge de DIAPAR sur une année ; que sur la base de la moyenne annuelle des chiffres d’approvisionnement de M. R. auprès de DIAPAR de juin 2002 à juin 2005, soit 1 389 881 euros, et d’une marge moyenne de 18 %, il convient de lui octroyer la somme de 250 178 euros à titre de dommages intérêts ;

Sur la demande de la société DIAPAR pour procédure abusive

Considérant que la société DIAPAR ne démontre pas en quoi l’usage des voies de droit serait constitutif d’un abus de la part des sociétés PRODIM et CSF ; que sa demande sera donc rejetée ;

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a déclaré recevable la tierce opposition incidente de la société DIAPAR,

DIT que la société DIAPAR n’est pas tierce complice des clauses de non adhésion et d’approvisionnement prioritaire, clauses qui ne définissent aucune obligation claire et se prêtent à une application anticoncurrentielle,

DIT que la clause de non réaffiliation post contractuelle constitue une entente contraire à l’article L. 420-1 du Code de commerce,

LA DÉCLARE nulle et inopposable à la société DIAPAR,

DÉBOUTE, en conséquence les sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE (PRODIM) et CSF de toutes leurs demandes indemnitaires,

CONDAMNE les sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE (PRODIM) et CSF, in solidum, à payer à la société DIAPAR la somme de 250 178 euros, à titre de dommages intérêts,

DÉBOUTE la société DIAPAR et M. R. du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE les sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE (PRODIM) et CSF, in solidum, aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile,

CONDAMNE les sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE (PRODIM) et CSF, in solidum, à payer à la société DIAPAR la somme de 40 000 euros au titre de l’article 700 du Code procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Composition de la juridiction : Madame COCCHIELLO, SCP BROUARD, SELARL GUIZARD et Associés, Michel GUIZARD, Gruau, Baron Cossé, Me Luca DE MARIA, SELARL SELARL PELLERIN

Décision attaquée : T. com. Evry, Paris 8 décembre 2010

Le Conseil d’Etat précise le régime des avis de l’Autorité de la Concurrence

Le régime des avis de l’Autorité de la Concurrence

(Conseil d’Etat 11 octobre 2012, société CASINO Guichard-perrachon, req. N°357193)

Suite à l’avis du 11 janvier 2012 (cf article « Distribution alimentaire : toujours dans le collimateur de l’ADLC »), le groupe CASINO, dont le poids prépondérant sur le marché de la distribution alimentaire avait été constaté dans cet avis, a saisi le conseil d’état d’un recours en annulation. Lire la suite

Clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation : le glas a-t-il sonné ?

Les avis de l’ADLC du 7 décembre 2010 (n°10-A-26) et du 11 janvier 2011 (n°12-A-01) dressent un état des lieux alarmant dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire, constatant de nombreuses barrières à l’entrée freinant les projets de magasins concurrents.

Les clauses de non-réaffiliation et de non-concurrence figurent évidemment parmi les obstacles majeurs à l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché.

Ces clauses contribuent à dissuader l’affilié de sortir du réseau puisqu’il n’est pas « autorisé » à s’affilier à un réseau concurrent ou à exercer une activité concurrente pendant un certain laps de temps variable.

Et pourtant, si l’on interroge les franchiseurs, ceux-ci se targueront de vouloir préserver ainsi leur savoir-faire si généreusement transmis.

Précisons d’abord ce qu’on entend par clause de non-concurrence et clause de non-réaffiliation : un éclaircissement terminologique ne saurait être de trop.

La Cour de Cassation a opéré une distinction terminologique dans un arrêt du 28 septembre 2010 en précisant que « la clause de non-concurrence a pour objet de limiter l’exercice par le franchisé d’une activité similaire ou analogue à celle du réseau qu’il quitte, tandis que la clause de non-réaffiliation se borne à restreindre sa liberté d’affiliation à un autre réseau ».

Au vu de la lecture opérée par la Cour de Cassation, la clause de non-réaffiliation serait donc moins restrictive que la clause de non-concurrence, en ce qu’elle ne vise à interdire que l’affiliation à un réseau concurrent, mais laisse libre l’ex-affilié d’exercer une activité similaire.

Loin d’un tel formalisme, L’ADLC propose, dans son avis du 7 décembre 2010, un raisonnement bien plus réaliste. Elle assimile la clause de non-réaffiliation à la clause de non-concurrence au vu des effets restrictifs de concurrence qu’elle implique : « dès lors que l’interdiction de réaffiliation rend, non pas impossible, mais très difficile la poursuite de l’exploitation du fonds de commerce et sa rentabilité aléatoire, la clause de non-réaffiliation pourrait valablement être assimilée à une clause de non-concurrence. »

L’ADLC assimile donc les clauses de non-réaffiliation aux clauses de non-concurrence par une lecture pragmatique des effets de ces deux types de clauses : la clause de non-réaffiliation rend très difficile la poursuite de l’exploitation, et en ce sens, elle amoindrit la liberté concurrentielle de l’ex affilié. Le degré d’atteinte à la liberté concurrentielle de l’ex affilié indiffère l’autorité de régulation : à partir du moment où il y a restriction à la concurrence, alors il s’agit de clauses de non-concurrence.

L’ADLC étudie ensuite ces clauses suivant sa méthode habituelle d’analyse, à savoir sous l’angle des principes de nécessité et de proportionnalité : le caractère nécessaire peut se justifier dès lors qu’un savoir-faire est en jeu et doit être effectivement protégé. Toutefois, si ces clauses peuvent s’avérer nécessaires, sont-elles proportionnées au vu de l’enjeu et de leur durée ?  Ce n’est pas si certain selon l’Autorité de la concurrence.

En outre, l’autorité reconnaît à juste titre que les concepts de vente évoluent très rapidement et qu’il serait inutile de « retenir » l’ex affilié par ces clauses de non-réaffiliation et de non-concurrence.

L’ADLC en déduit que ces clauses post-contractuelles « ne remplissent pas les conditions de nécessité et de proportionnalité au regard des objectifs poursuivis, érigées par le droit de la concurrence » et propose un encadrement des clauses par les dispositions de l’article 5-3 du règlement n°330-2010 du 20 avril 2010 sur les restrictions verticales : en ce sens, l’ADLC préconise de limiter la durée des clauses à un an et à un seul magasin objet du contrat en cause.

N’aurait-il pas été plus opportun de la part de l’ADLC d’en conclure et d’en appeler à une éradication de ces clauses plutôt qu’à une limitation de celles-ci ?

Le projet de loi LEFEBVRE, qui avait fondé l’espoir de la suppression des clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation, ne propose pas pour autant de les éradiquer.

En réalité, le projet de loi est assez décevant : le nouvel article L340-5- I prévu qualifie ces clauses de clauses réputées non écrites. Il n’y a toutefois là qu’un principe… Par exception, elles pourraient être admises sous certaines conditions cumulatives : –si elles concernent des biens et services en concurrence avec ceux objets de la convention d’affiliation – si elles sont limitées aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant exerce son activité pendant la durée de la convention d’affiliation  – si elles sont indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre de la convention d’affiliation –si elles n’excèdent pas un an après l’échéance ou la résiliation de la convention d’affiliation.

L’éradication pure et simple desdites clauses aurait été plus audacieuse et en conformité avec les objectifs de droit de la concurrence.

Une clause de non-concurrence, même limitée à quelques mois, empêche tout bonnement d’exploiter son fonds ! Elle revient dès lors à nier le droit de propriété du franchisé sur sa clientèle. Et le résultat sera le même en cas de clause de non-réaffiliation, si celle-ci est stipulée dans un contrat relatif à un secteur pour lequel l’appartenance à un réseau est une nécessité économique.

Vers un renforcement de l’obligation précontractuelle d’information?

Vers un renforcement de l’obligation précontractuelle d’information ?

Cour de cassation, chambre commerciale, 4 octobre 2011 n° pourvoi : 10-20956

Le franchiseur est tenu de fournir au candidat à la franchise des informations précontractuelles sur l’état du réseau et ses perspectives de développement : il s’agit de l’application de la loi Doubin du 31 décembre 1989, actuellement codifiée à l’article L 330-3 du code de commerce.

Toutefois, la nature même des informations délivrées est source de contentieux, en ce qu’elles fournissent une vision plus ou moins éthérée de la réalité du réseau et peuvent ainsi rendre difficile ou démesurément optimiste l’anticipation sur la rentabilité du réseau.

Les juges résolvent généralement cette question en annulant le contrat de franchise dès lors que le franchiseur a manqué à ses obligations précontractuelles d’information, et n’a pas fourni sciemment certaines informations essentielles, déterminantes du consentement du franchisé.

Ainsi, dès lors que le mensonge ou la réticence à délivrer certaines informations qualifiées d’essentielles- appelée réticence dolosive- est caractérisée,  la nullité du contrat peut être prononcée sur le fondement du dol (article 1116 du code civil).

Cette jurisprudence est assez classique et n’appelle pas de commentaires particuliers.

L’arrêt qui nous intéresse, rendu par la chambre commerciale de la cour de cassation le 4 octobre 2011 (n° de pourvoi 10-20956), innove en ce qu’il ne conditionne plus l’erreur sur la rentabilité de l’activité entreprise, et partant la nullité du contrat de franchise, à la preuve d’un manquement du franchiseur à son obligation précontractuelle d’information.

Rappel de faits : un litige classique en droit de la distribution

En l’espèce, la société Equip’buro 59 avait conclu avec la société Sodecob un contrat de franchise pour l’exploitation d’un fonds de commerce sous l’enseigne « Bureau center », impliquant l’adhésion à une coopérative de commerçants détaillants indépendants. Les résultats obtenus se sont avérés très inférieurs aux prévisions transmises par le franchiseur et ont conduit rapidement à la mise en liquidation judiciaire de la société Equip’buro 59.

La Cour d’appel de Paris avait rejeté la demande d’annulation du contrat de franchise. Elle avait estimé que l’écart entre le prévisionnel de chiffre d’affaires établi par le franchiseur et le chiffre d’affaires effectivement réalisé ne saurait être démonstratif, à lui seul, de l’insincérité ou du manque de crédibilité des chiffres et documents fournis par le franchiseur. Il convient de rappeler à ce titre que le franchiseur n’est pas tenu à une obligation de résultat en la matière.

La Cour de cassation censure néanmoins cet arrêt aux motifs que même en l’absence de pratiques dolosives, à partir du moment où un écart important et significatif est constaté entre le prévisionnel remis par le franchiseur et le chiffre d’affaires effectivement réalisé, corroboré par la liquidation judiciaire du franchisé en l’espèce, le franchisé a commis une erreur sur la rentabilité de l’activité entreprise, erreur substantielle justifiant la nullité du contrat.

En effet, une erreur a bien déterminé le consentement du franchisé, qui est en droit de demander l’annulation du contrat de franchise et la restitution des sommes engagées à ce titre.

Les implications de l’arrêt

En marquant l’indépendance de l’erreur par rapport au dol, cet arrêt augure une responsabilité du franchiseur plus aisée à mettre en œuvre, dans le cadre de son obligation précontractuelle d’information.

Les franchiseurs n’ont qu’à bien se tenir : ils devraient se montrer de plus en plus prudents en établissant les prévisionnels et l’ensemble des informations précontractuelles remises aux futurs franchisés.

Paradoxalement, cette obligation de prudence ou de mise en garde pourrait conduire le franchiseur à transmettre au candidat un minimum d’informations, plutôt qu’une pléthore d’informations alléchantes mais trompeuses.

Les franchisés se doivent ainsi de rester extrêmement prudents en consultant les informations remises par le franchiseur, prendre le recul nécessaire et s’aider de conseils adaptés, afin de ne pas se laisser éblouir par la prétendue rentabilité des réseaux de franchise.

L’ambigüité des clauses contractuelles : un indice de tromperie – Cour d’appel de Paris, 16 mars 2011

Si les articles 1156 et suivants du Code civil fournissent au juge des recommandations relatives à l’interprétation des conventions, l’art d’interpréter reste extrêmement délicat et laisse au lecteur une large marge de manœuvre. Un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 16 mars dernier en matière de franchise constitue sur ce point un exemple édifiant.

 Un contrat de franchise portant sur la vente de vêtements pour hommes avait été conclu en 2004 pour une durée de cinq. Alors que l’objet du contrat résidait bien dans l’exploitation d’une boutique de prêt-à-porter pour hommes, le franchiseur a cessé d’approvisionner le franchisé en vêtements masculins. Contestant avoir commis la moindre inexécution contractuelle, le franchiseur invoque alors un avenant de 2006 lui permettant d’approvisionner la boutique homme en robes (vraisemblablement pour femmes), chaussures et petits accessoires (sans doute également destinés à la gent féminine). Le franchiseur considérait ainsi que la collection pour femmes pourrait se substituer entièrement à la collection pour hommes, en dépit des dispositions du contrat initial.

 Deux arguments complémentaires sont retenus par la Cour d’Appel pour invalider le raisonnement du franchiseur, et partant, résilier le contrat à ses torts exclusifs.  D’une part, l’avenant ne remplace en aucun cas le contrat initial. La Cour rappel sur ce point que la novation ne se présume pas, c’est-à-dire que le remplacement d’un contrat par un autre doit être prévu de façon explicite et univoque. Tel n’était pas le cas en l’espèce, l’avenant n’ayant que vocation à compléter le contrat initial, qui reste donc applicable. D’autre part, et en tout état de cause, l’interprétation des clauses ambigües du contrat ou de l’avenant doit être favorable au franchisé. Dans la mesure où le contrat a été rédigé par le franchiseur, qui est de surcroît un professionnel averti, ce dernier ce saurait par la suite se prévaloir d’une quelconque ambigüité à son profit. Ce principe d’interprétation découle de l’article 1162 du Code civil, qui prévoit que « dans le doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l’obligation ». Que le contrat soit interprété en faveur du franchisé n’a donc rien de très surprenant. Que la Cour déduise directement de l’ambigüité d’une clause « la tromperie » mise en œuvre par le franchiseur est en revanche plus audacieux.

 Les juges ont en effet souligné que « la tromperie résulte des termes mêmes de l’avenant qui sont ambigus et manifestement libellés pour justifier l’interprétation qu’en fait aujourd’hui » le franchiseur. Ainsi la Cour d’appel considère-t-elle implicitement que l’ambigüité de la clause litigieuse ne saurait être le fruit du hasard, loin s’en faut !! Cette ambigüité révèlerait nécessairement la volonté du rédacteur, en l’occurrence le franchiseur, de tromper son cocontractant. En statuant ainsi, la Cour entend mettre un coup d’arrêt à une pratique très répandue et consistant, pour le rédacteur du contrat,  à y insérer délibérément des clauses ambigües, interprétées différemment par chacune des parties, en espérant par la suite en faire une application qui lui soit favorable.

 La question cruciale concerne dès lors la portée de cet arrêt : peut-on en conclure que toute clause ambiguë insérée dans un contrat de franchise, ou plus généralement dans un contrat d’adhésion, sera ipso facto considérée comme une preuve de tromperie ? Si une telle analyse paraît quelque peu excessive, il semble en revanche raisonnable de supposer que l’ambigüité des clauses constitue une simple présomption de tromperie, surtout lorsque le rédacteur est un professionnel expérimenté. Bien que la portée de cette décision reste incertaine, les directives d’interprétation énoncées par la Cour d’appel de Paris sont extrêmement favorables au franchisé et pourraient avoir des retombées considérables.

Le projet de loi Lefebvre : une réforme inaboutie ?

Ce projet de loi est né à la suite de l’avis rendu par l’Autorité de la Concurrence le 7 décembre 2010 pour le secteur de la grande distribution alimentaire sous enseigne, partant du constat que les contrats d’affiliation étaient fortement opaques et rigides dans ce secteur.

L’Autorité de la Concurrence estime ainsi que « l’instruction a relevé une certaine opacité des relations qu’entretiennent les groupes de distribution alimentaire avec leurs affiliés), due notamment à la multiplication des documents contractuels formalisant la relation et au manque d’information de l’affilié sur la portée des engagements auxquels il a souscrits ».

L’idée est dès lors de remplacer le multiple par l’Un ; de substituer une convention dite d’affiliation aux multiples contrats que les têtes de réseaux imposent aujourd’hui à leurs partenaires (contrat de franchise, contrat d’approvisionnement, contrat de fidélisation etc…).

                  Une réforme sectorielle

  • Il faut bien avoir à l’esprit que le projet de loi ne concerne que le secteur alimentaire : ainsi, la réforme de la franchise n’opère que dans le cadre des enseignes alimentaires.

Et pourtant, la franchise méritait une réflexion d’ensemble. Sous prétexte d’un émiettement contractuel propre à la distribution alimentaire, le projet de loi instaure ainsi un dispositif spécial, nuisant à la cohérence et à l’unité du droit de la franchise.

Un document unique

  • Le premier article du projet de loi précise que la convention d’affiliation ne peut se formaliser que dans un document unique.

Le projet de cette convention d’affiliation sera remis au moins 2 mois avant la signature de la convention. Cette remise 2 mois avant est certes plus protectrice de l’affilié, mais encore faut-il savoir ce que le document unique recouvre réellement. Le contenu en est fixé à l’article L340-1, IIIème du code de commerce. Toutefois les informations listées que le document doit inclure ne sont pas exhaustives : seulement 5 types d’informations sont répertoriées : – 1°) les conditions de l’affiliation et de la participation au groupement  -2°) les conditions d’utilisation des services commerciaux apportés à l’exploitant, en particulier des services d’approvisionnement et d’usage des marques et des enseignes 3°) le fonctionnement du réseau 4°) les conditions de renouvellement, cession et résiliation des contrats régissant les relations commerciales découlant de l’affiliation ; 5°) les obligations applicables après rupture des relations d’affiliation

Le contenu de ce document unique a des contours incertains, puisque la liste visée à l’article L340-1 n’est pas exhaustive.

En outre, comment le projet de ce document unique va–t-il se concilier avec le Document d’Informations Précontractuelles issu de la loi Doubin ? Le législateur ne pipe mot. Et quid de la sanction en cas de non remise, de remise tardive ou de document incomplet ? Le projet évoque certes expressément la nullité. Mais s’agira-t-il d’une nullité automatique ou la loi Lefevbre, à la supposer votée, connaîtra-t-elle le sort de sa grande sœur Doubin ? On le voit : d’importantes questions restent en suspens.

Les limites posées à la convention d’affiliation

  • Le projet de loi fixe à 6 ans la durée maximale de toutes les conventions d’affiliation et aucune possibilité de renouvellement par tacite reconduction n’est envisagée.

L’impossibilité de renouveler par tacite reconduction permet de clarifier les relations contractuelles entre les acteurs et de renégocier éventuellement le contrat.

  • Le projet de loi vise à interdire les clauses compromissoires, c’est-à-dire les clauses qui soumettent obligatoirement à l’arbitrage les litiges nés de l’exécution du contrat, qui désavantagent de toute évidence les affiliés par rapport aux têtes de réseau compte tenu du coût de cette forme de justice privée qu’est l’arbitrage.

  • D’autres dispositions plus avantageuses pour les affiliés sont prévues : ainsi, les clauses prévoyant un droit de préemption ou de préférence pour les têtes de réseau en cas de cession de l’immeuble dans lequel est exploité le fonds de commerce de l’affilié, ou du fonds de commerce lui-même, seront réputés non écrites.

  • Le nouvel article L340-5- I prévu qualifie les clauses de non concurrence, ou de non affiliation post contractuelle, de clauses réputées non écrites. Elles ne seront ainsi réputés avoir aucun effet et ne pourraient être admises qu’à certaines conditions cumulatives : –si elles concernent des biens et services en concurrence avec ceux objets de la convention d’affiliation – si elles sont limitées aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant exerce son activité pendant la durée de la convention d’affiliation  – si elles sont indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre de la convention d’affiliation –si elles n’excèdent pas un an après l’échéance ou la résiliation de la convention d’affiliation

Même si les clauses de non-concurrence ou de non affiliation ne sont admises que sous certaines conditions cumulatives, elles peuvent toutefois être encore mises en œuvre, sans toutefois excéder la durée d’un an.

Une réforme non aboutie

Même si certaines dispositions prévues dans le projet de loi semblent plus avantageuses sous certains aspects, pour les affiliés, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un projet de réforme sectoriel, cantonné à la grande distribution alimentaire.

Cette volonté de simplifier et d’assouplir les conventions d’affiliation en faveur des affiliés est mise à mal par la création d’un régime spécial pour la franchise alimentaire, qui nuit ainsi à l’unité du droit de la franchise.

Toutefois, le parlement devant suspendre ses travaux fin février pour cause d’élection présidentielle et législative, l’adoption définitive de la loi dans le cadre de cette mandature demeure chimérique. Espérons qu’une réflexion d’ensemble sera menée et parachèvera cette amorce de réforme…

Distribution alimentaire : toujours dans le collimateur de l’ADLC !

L’Autorité de la Concurrence déplore l’extrême concentration du marché parisien sur le secteur de la distribution alimentaire

Dans un avis du 11 janvier 2011, avis n° 12-A-01, l’Autorité de la Concurrence dresse un constat assez alarmant de la situation concurrentielle sur le marché parisien de la distribution alimentaire : la distribution alimentaire généraliste est particulièrement concentrée dans Paris intra-muros, et ce au profit du groupe CASINO.

Le groupe CASINO détient ainsi une part de marché en surface supérieure à 60% de son principal concurrent, le groupe CARREFOUR, et entre 50 et 70 % en part de chiffre d’affaires.

Il ne faudrait pas en déduire trop hâtivement que l’Autorité reconnait par là une position dominante, et encore moins un abus de position dominante ; du moins, l’avis ne formule pas de conclusion expresse en ce sens.

L’ancien Conseil de la Concurrence ne s’arrête pas à cet amer constat et préconise plusieurs recommandations drastiques.

Ex ante, le contrôle des concentrations ne permet en effet qu’une intervention limitée sur la situation concurrentielle du marché, dans la mesure où une large part du développement récent du groupe CASINO à Paris ne résulte pas de concentrations, mais d’affiliation ou d’ouvertures de magasins.

L’Autorité de la Concurrence préconise ainsi un outil draconien : les injonctions structurelles qui seraient prévues à l’article 752-26 du code de commerce et permettraient d’enjoindre aux entreprises fortement présentes sur un marché de revendre des actifs à des concurrents.

Toutefois, même si cet outil semble de prime abord efficace pour réguler le marché, on doit espérer que le dispositif soit facilement applicable.

Renforcer la pression concurrentielle sur le marché en favorisant la diversité des acteurs présents, telle est la préoccupation majeure de l’Autorité.

Cet objectif se concilie avec l’avis du 7 décembre 2010 de la même autorité, préconisant plus de liberté aux affiliés qui devraient pouvoir choisir plus librement l’enseigne à laquelle ils veulent être rattachés.

De surcroît, la question de la suppression des clauses de non-concurrence et de non-affiliation post contractuelles est en actuelle discussion dans le cadre du projet de loi LEFEBVRE adopté au sénat le 22 décembre 2011.

Annulation pour tromperie – Cass, 1er civ, 25 novembre 2009

COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 novembre 2009    Rejet

M. BARGUE, président – Arrêt n° 1206 F-D – Pourvoi n° C 08-15.927

R E P U B L I Q U E   F R A N C A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme Brigitte Dutoit, domiciliée 23 Grand Place, 62440 Harnes,

contre l’arrêt rendu le 5 février 2008 par la cour d’appel de Douai (chambre 2, section 2), dans le litige l’opposant à Mme Dominique Aouri, domiciliée 1A rue de Récollets, 62000 Arras,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 27 octobre 2009, où étaient présents : M. Bargue, président, Mme Vassallo, conseiller référendaire rapporteur, M. Pluyette, conseiller doyen, M. Domingo, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Vassallo, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme Dutoit, de Me Spinosi, avocat de Mme Aouri, les conclusions orales de M. Domingo, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que Mme Dutoit a donné en concession à Mme Aouri, par acte du 24 septembre 2002, le droit d’exploiter une onglerie moyennant une certaine somme payable à la signature du contrat et une redevance mensuelle ; que Mme Aouri a mis fin à la concession et assigné, le 31 août 2005, Mme Dutoit en annulation du contrat pour dol ;

Sur le premier moyen, pris en ses diverses branches, ci-après annexé :

Attendu que Mme Dutoit fait grief à l’arrêt attaqué (Douai, 5 février 2008) d’avoir déclaré nul et de nul effet pour dol le contrat du 24 septembre 2002 ;

Attendu qu’ayant souverainement relevé, d’abord que Mme Dutoit avait exercé comme esthéticienne à peine dix mois avant de proposer, à un prix substantiel, la concession litigieuse, ensuite que la formation proposée avait  été assurée par sa fille, diplômée à l’âge de 17 ans dans une autre discipline, la cour d’appel,  sans inverser la charge de la preuve, a pu en déduire qu’en faisant état d’une compétence élevée, Mme Dutoit avait trompé sa cocontractante à l’aide de manoeuvres intellectuelles et ainsi caractériser le dol ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses diverses branches, ci-après annexé :

Attendu que Mme Dutoit fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée à verser une certaine somme au titre du prix payé, en deniers ou quittances, avec intérêt légaux à compter du 24 septembre 2002 ;

Attendu que la cour d’appel qui, en prononçant la restitution des sommes payées en deniers ou quittances, a fait expressément référence à l’imprécision relative au recouvrement d’un chèque impayé, n’a fait qu’user de la faculté remise à sa discrétion par l’article 1153-1 du code civil en fixant à une date autre que celle de sa décision le point de départ des intérêts de la créance d’indemnité ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses deux branches ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Dutoit aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour Mme Dutoit.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré nul et de nul effet, pour dol, le contrat de concession du 24 septembre 2002 ;

AUX MOTIFS QU’il résulte des termes du contrat litigieux que la concédante a mis au point des signes distinctifs, des méthodes commerciales et un concept particulier pour l’onglerie ; que la concédante affirme encore disposer d’un haut niveau de compétence puisqu’elle se propose de le faire acquérir à la concessionnaire elle-même, par le biais d’une formation et d’une information sur les perfectionnements et améliorations de la technique d’onglerie ; qu’il résulte des pièces produites aux débats que Madame Dutoit a exercé comme esthéticienne à partir du 1er janvier 2002, soit à peine dix mois avant de proposer, au prix substantiel de 14.591 € TTC, la concession litigieuse ; que la formation proposée devait être ou été assurée par sa fille diplômée à l’âge de 17 ans et dans une autre discipline ; qu’en somme, en faisant état de méthodes éprouvées et originales et d’une compétence élevée, sans en fournir la moindre preuve, Madame Dutoit a trompé sa cocontractante à l’aide de manoeuvres intellectuelles qui trouvent leur sanction dans l’article 1116 du Code civil ; que le contrat litigieux sera par conséquent annulé avec toutes conséquences indiquées dans le dispositif ci-après ;

ALORS, D’UNE PART, QUE ne caractérise pas des manœuvres dolosives, l’arrêt qui ne constate aucune tromperie ou dissimulation portant sur un élément essentiel du contrat, ni ne relève l’existence d’aucune allégation mensongère, ou même de simples réticences portant sur un élément du contrat, susceptibles d’être qualifiées de manœuvres illicites et ayant eu une incidence déterminante sur le consentement de Madame Aouri ; qu’en se bornant à faire état de “ manœuvres intellectuelles ” dont l’arrêt ne justifie d’ailleurs pas l’existence en fait, consistant, semble-t-il, seulement, à ne pas avoir fourni la preuve des compétences alléguées, dont la fausseté n’est au demeurant, pas démontrée, la Cour d’appel n’a pu justifier légalement sa décision au regard des dispositions de l’article 1116 du Code civil ;

ALORS, D’AUTRE PART, QU’il appartient à celui qui se dit victime d’un dol de rapporter la preuve de manœuvres dolosives ; qu’en l’espèce, il incombait donc à Madame Aouri de démontrer que Madame Dutoit ne lui avait transmis ni méthode originale, ni savoir-faire particulier et non pas à Madame Dutoit de faire la preuve de sa compétence et de son savoir-faire ;
que l’arrêt attaqué a renversé la charge de la preuve et violé l’article 1315 du Code civil ;

ALORS, AU SURPLUS, QUE , à supposer même qu’il y ait eu, en la cause, un certain manque d’information, rien ne permet d’en déduire que Madame Dutoit ait agi avec la volonté de provoquer une erreur de nature à vicier le consentement de Madame Aouri et à la déterminer à s’engager ; qu’ainsi faute de moyens frauduleux, la Cour d’appel n’a pu donner une base légale à sa décision au regard de l’article 1116 du Code civil ;

ALORS, ENFIN QUE le dol ne se présumant pas et ne pouvant résulter que d’une faute d’une gravité suffisante, dûment établie, à l’encontre d’un contractant, la Cour d’appel ne pouvait prononcer la nullité du contrat conclu entre Madame Dutoit et Madame Aouri, pour dol, en constatant seulement que Madame Dutoit n’aurait pas fourni “ la moindre preuve ” des méthodes éprouvées et originales de la compétence élevée dont elle se prévalait ; que la fausseté de ces allégations n’étant pas établie ni par la durée, d’ailleurs inexactement rapportée par l’arrêt, de l’expérience professionnelle personnelle de Madame Dutoit, ni par l’âge auquel sa fille, formatrice en onglerie, a obtenu son diplôme en esthétique, plusieurs années auparavant, la Cour d’appel a violé l’article 1116 du Code civil, en statuant comme elle l’a fait.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir condamné Madame Dutoit à payer à Madame Aouri la somme de 14.591,20 € au titre du prix payé, en deniers, quittances, avec intérêts légaux à compter du 24 septembre 2002 ;

AUX MOTIFS QUE la restitution de sommes payées ne saurait se faire qu’en deniers ou quittances, devant l’imprécision de l’intimée sur le recouvrement du chèque impayé ;

ALORS, D’UNE PART, QUE rien n’établit que Madame Aouri ait réglé l’intégralité du prix de la concession dans la mesure où, comme cela résulte des débats et comme le relève l’arrêt attaqué, une partie de ce prix, 8.591,20 €, a fait l’objet d’un chèque revenu impayé ; qu’ainsi, en condamnant malgré tout Madame Dutoit à régler à Madame Aouri la somme de 14 591,20 € en principal au titre du prix payé, la Cour d’appel a violé les articles 1116 ensemble 1117 du Code civil ;

ALORS, D’AUTRE PART, QU’en toute hypothèse, les intérêts ne pouvaient à fortiori courir avant la date à laquelle la somme due en restitution du prix avait été versée en exécution dudit contrat ; qu’en fixant au 24 septembre 2002 le point de départ des intérêts légaux, la Cour d’appel a derechef violé l’article 1153-1 du Code civil.

Annulation pour tromperie – Cass, Com. 04 mai 2010

COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 mai 2010  Rejet

Mme FAVRE, président

Arrêt n° 475 F-D

Pourvoi n° S 09-15.139

R E P U B L I Q U E   F R A N C A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Lady fitness Europe, dont le siège est 1 H Cours Lafayette, 69003 Lyon,

contre l’arrêt rendu le 2 avril 2009 par la cour d’appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. Pascal Wissen, domicilié 112 avenue du Général Leclerc, 54000 Nancy,

2°/ à la société Pierre Bruart, société civile professionnelle, dont le siège est 6 allée de la Forêt de la Reine, 54500 Vandoeuvre-lès-Nancy, en qualité de liquidateur de la société C-Sport,

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 23 mars 2010, où étaient présents : Mme Favre, président, Mme Mandel, conseiller rapporteur, Mme Tric, conseiller doyen, Mme Bonhomme, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Mandel, conseiller, les observations de la SCP Boutet, avocat de la société Lady fitness Europe, de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. Wissen et de la société Pierre Bruart, les conclusions de Mme Bonhomme, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu selon l’arrêt attaqué (Lyon, 2 avril 2009) que la  société Lady fitness Europe qui bénéficie d’une licence de la marque Lady fitness a signé avec la société C-Sport, créée le 5 mars 2007 par M. Wissen, deux contrats de licence de cette marque, l’un le 15 mars 2007 pour l’exploitation d’un centre de remise en forme à Nancy, l’autre le 1er mars 2007 pour un centre à Metz ; que la société C- Sport ayant été mise en liquidation judiciaire le 16 octobre 2007, son liquidateur la SCP Bruart et M. Wissen ont assigné la société Lady fitness Europe aux fins de voir prononcer la nullité des deux contrats, à titre subsidiaire leur résiliation aux torts de la société Lady fitness Europe et condamner cette dernière au remboursement de l’insuffisance d’actif de la société C Sport ainsi qu’au paiement de diverses sommes au profit de M. Wissen à titre personnel ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Lady fitness Europe fait grief à l’arrêt d’avoir décidé que les consentements de la société C-Sport donnés lors des contrats en date des 1er et 15 mars 2007 passés avec la société Lady fitness Europe pour la concession de la licence de la marque Lady fitness ont été viciés et d’avoir en conséquence annulé lesdits contrats de licence alors, selon le moyen :

1°/ que le vice du consentement de celui qui obtient une licence d’exploitation d’une marque ne se déduit pas du seul manquement du titulaire de la marque à son obligation d’information précontractuelle ; que pour retenir l’existence d’un dol, la cour d’appel a affirmé que l’annexe 4 était
insuffisante et aurait contenu des informations erronées, là où la société Lady fitness Europe soutenait n’avoir eu aucun comportement dolosif ; que faute d’avoir constaté de la part de cette dernière une manoeuvre dolosive volontaire afin de dissimuler des éléments essentiels au consentement de la société C Sport, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1116 du code Civil, ensemble l’article L. 330-3 du code de commerce et l’article 1er du décret n° 91-337 du 4 avril 1991 ;

2°/ que le candidat à une licence d’exploitation d’une marque est tenu de se renseigner lui-même auprès d’un tiers licencié de cette marque dont il entend poursuivre l’activité ; qu’il ressort des décisions des juges du fond que M. Wissen a directement négocié le rachat du matériel sportif du centre de Metz et a conclu directement un bail commercial avec le propriétaire des locaux ayant décidé, par souci d’économie, de ne pas racheter le fonds de commerce de l’exploitant ; qu’il s’ensuit que la société C Sport, créée par M. Wissen, devait se renseigner sur l’ensemble des conditions dans lesquelles ce centre était exploité sans pouvoir exiger une telle information de la part de la société Lady fitness Europe ; qu’en annulant le contrat de licence d’exploitation de marque concernant le club sportif de Metz pour dol imputable à la société Lady fitness Europe faute d’une complète information sur ce centre, la cour d’appel a violé l’article 1116 du code civil, ensemble l’article L. 330-3 du code de commerce et l’article 1er du décret n° 91-337 du 4 avril 1991 ;

Mais attendu, d’une part, que l’arrêt relève par motifs propres et adoptés que le document d’information pré-contractuel remis à M. Wissen ne comporte aucune présentation du marché national des clubs de sport, que s’agissant du marché local aucun chiffre n’est donné permettant d’apprécier l’importance réelle de ce marché, qu’il s’y ajoute une information erronée quant à l’absence d’équivalent en France au concept du type de celui développé par la société Lady fitness Europe et des affirmations banales, générales et non étayées s’agissant des perspectives de développement ; qu’il constate que la société Lady fitness Europe a fourni à M. Wissen des documents comportant des indications inexactes et contradictoires sur l’identité de l’exploitant du club de Metz et relève que cette société, qui a pour gérant M. Rivoal, se disant aussi gérant de la société gérant le club de Metz, savait que la société Sun Factory, qui aurait été l’exploitant de ce club, avait été placée en liquidation judiciaire au début du mois de décembre 2006 ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations desquelles il ressortait que le défaut d’informations invoqué avait vicié le consentement de la société C-Sport, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;

Attendu d’autre part, qu’il ne résulte ni de l’arrêt ni de ses conclusions que la société Lady fitness Europe ait soutenu devant la cour d’appel le moyen évoqué à la seconde branche ; que le grief mélangé de fait et de droit est donc nouveau ;

D’où il suit qu’irrecevable en sa seconde branche, le moyen n’est pas fondé pour le surplus ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Lady fitness Europe fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée à payer à M. Wissen une somme de 7 500 euros en réparation de son préjudice moral alors, selon le moyen :

1°/ que l’inexécution d’un contrat peut constituer une faute délictuelle à l’égard d’un tiers au contrat ; que la cour d’appel a condamné la société Lady fitness Europe à payer des dommages-intérêts à M. Wissen en se fondant sur l’application de cette règle de droit ; qu’en statuant ainsi, après avoir annulé les contrats de licence de marque, la cour a violé l’article 1382 du code civil ;

2°/ que l’associé ne subit pas de préjudice moral du fait de la défaillance de la société ; que la cour d’appel a condamné la société Lady fitness Europe à payer à M. Wissen une indemnité pour réparer le préjudice moral dû au fait d’avoir vu sombrer sa société ; qu’en statuant ainsi, bien que la défaillance de la société C-Sport ne peut constituer un préjudice moral pour M. Wissen, la cour a violé l’article 1382 du code civil ;

Mais attendu que l’arrêt relève que la société Lady fitness Europe n’a pas éclairé pleinement M. Wissen sur le club de Metz et n’a  pas rempli son obligation d’information précontractuelle ; qu’il retient  que M. Wissen a créé sa société pour adhérer aux contrats de licence de marque Lady fitness et a vu celle-ci sombrer en partie en raison des manquements fautifs imputables à la société Lady fitness Europe ; que de ces constatations et appréciations, et abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la première branche, la cour d’appel a pu déduire que M. Wissen subissait un préjudice moral résidant dans l’échec de l’entreprise dans laquelle il s’était investi pour exploiter la marque Lady fitness ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Lady Fitness Europe aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Lady fitness Europe à payer la somme globale de 2 500 euros à M. Wissen et à la SCP Bruart, ès qualités de liquidateur de la société C-Sport et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boutet, avocat aux Conseils, pour la société Lady Fitness Europe

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR décidé que les consentements de la Société C SPORT donnés lors des contrats en date des 1er et 15 mars 2007 passés avec la Société LADY FITNESS EUROPE pour la concession de la licence de la marque LADY FITNESS ont été viciés et D’AVOIR par voie de conséquence annulé lesdits contrats de licence ;

AUX MOTIFS QUE, dans le document d’information précontractuel signé par Monsieur WISSEN le 15 novembre 2006, la présentation du marché figure à l’annexe 4 ; que cette annexe comprend deux pages et demi (avec un texte très aéré et frappé en gros caractères) et ne répond pas aux prescriptions légales ; que, sous le titre “ le marché mondial du fitness ”, une page entière est consacrée à la description du concept LADY FITNESS ; que le tableau propre à illustrer le marché mondial est de peu d’intérêt pour le futur adhérent, sauf à constater que CURVES disposait en 2006 d’un nombre de franchises sans rapport avec ses concurrents et qu’il s’agit de la franchise la plus ancienne (1995) ; qu’aucune présentation du marché national des clubs de sport n’est faite ; que s’agissant du marché local, le document ne correspond pas à une présentation du marché local des services en cause puisqu’il se résume à mettre en exergue les caractéristiques du concept décrit comme “ unique par sa simplicité, son efficacité et sa rentabilité ” ; que n’est présenté aucun chiffre permettant d’apprécier l’importance réelle du marché local ; qu’il est en outre erroné d’affirmer “ qu’il n’y a pas aujourd’hui d’équivalent de ce concept en France”, alors que les intimés prouvent qu’il existe d’autres concepts du même type ; qu’enfin s’agissant des perspectives de développement, elles ne reposent que sur des affirmations banales, générales et non étayées ; que Monsieur WISSEN n’a donc pas été correctement informé quant à l’état général et local du marché des centres de remise en forme dédiés aux femmes ; que bien plus, les affirmations contenues dans le document étaient propres à l’induire en erreur sur la réalité de l’état de la concurrence sur son marché et lui laissaient penser qu’il disposait d’un avantage concurrentiel en réalité non établi ; que s’agissant du contrat de licence du 1er mars 2007 portant sur l’exploitation d’un club à METZ, la Société C SPORT a pris la suite d’un autre exploitant ; qu’au titre de la présentation du réseau d’exploitation, il importait que soit précisée l’identité de ce précédant “franchisé ” mais que le document d’information mentionne simplement l’adresse du club, le numéro de téléphone et la date d’ouverture (mai 2005) ; que cette précision était indispensable puisque Monsieur WISSEN a proposé à celui-ci de reprendre non pas le fonds de commerce ou les parts sociales de la société mais seulement le matériel d’exploitation et de signer un nouveau bail et qu’une fois dans les lieux, eu égard à la continuité de l’activité dans les mêmes lieux, avec le même matériel, sous la même marque, Monsieur WISSEN a été destinataire de réclamations de la part de créanciers impayés, a constaté la disparition des chèques de caution remis par les clientes lesquels ont été encaissés par les anciens dirigeants qui ont aussi encaissé l’intégralité des chèques remis par les clientes ayant souscrit un abonnement à l’année ; qu’avant l’arrivée de la Société C SPORT, le club de METZ était exploité par une SARL LADY FITNESS METZ gérée par Monsieur ACHARD et par Monsieur RIVOAL dont le nom en tant que gérant est mentionné dans deux contrats de travail ; que cette société n’est pas enregistrée au Registre du Commerce et des Sociétés de cette ville ; que la Société LADY FITNESS EUROPE soutient avoir concédé un contrat de licence à la Société SUN FACTORY immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de CANNES qui exploitait le club de METZ sous la dénomination LADY FITNESS METZ ; mais que cette allégation ne correspond pas aux indications portées sur les pièces produites par les intimés, lesquels font état d’une SARL LADY FITNESS METZ gérée tantôt par Monsieur ACHARD, tantôt par Monsieur RIVOAL ; que la Société LADY FITNESS EUROPE soutient que les deux contrats de travail étaient en réalité un modèle de contrat de travail issu de la bible LADY FITNESS ; mais que ces contrats ne sont pas de simples modèles ; qu’il s’agit de véritables contrats de travail dûment complétés et renseignés, paraphés sur chaque page et signés par les salariés ; qu’à supposer même que la Société SUN FACTORY était le gestionnaire du club de METZ, la situation n’est pas plus claire puisque, selon les propres dires de l’appelante, il a été proposé à Monsieur WISSEN, après la liquidation judiciaire de la Société SUN FACTORY, de racheter le matériel de fitness de cette société mais que, de manière inexplicable, on constate que la société venderesse est une Société TASSIN SPORTS LOISIRS gérée par Monsieur ACHARD et elle-même en liquidation judiciaire ; que la Société LADY FITNESS EUROPE ayant pour gérant Monsieur RIVOAL, se disant aussi gérant du club de METZ, savait que cette société avait été placée en liquidation judiciaire en décembre 2006 ; que Monsieur WISSEN à qui avait été remis le document d’information le 15 novembre 2006 et qui était en pleine démarche commerciale pour l’ouverture d’un club à NANCY a été poussé à reprendre l’activité du club de METZ, à racheter le matériel d’une société tierce et à contracter un nouveau bail sans que cette information essentielle pour la détermination de son consentement lui ait été révélée ; que compte tenu de l’ensemble de ces éléments, c’est à bon droit que le Tribunal a retenu à la charge de la Société LADY FITNESS EUROPE un comportement dolosif et constaté la nullité des deux contrats de licence pour vice du consentement ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la Société LADY FITNESS EUROPE a remis à Monsieur WISSEN un document intitulé “ document d’information pré contractuelle ” qui comporte bien formellement les rubriques d’information prévues par la loi ; que toutefois, si la forme de ce document respecte la loi, en revanche son contenu n’est pas de nature à fournir loyalement à la Société C SPORT les éléments objectifs lui permettant de s’engager contractuellement en toute connaissance de cause ; qu’il en est ainsi de l’absence totale d’éléments concernant le centre de METZ préalablement exploité par une Société LADY FITNESS METZ qui n’a aucune existence légale pour ne pas être inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de METZ, ce que ne pouvait manquer de savoir Monsieur RIVOAL puisqu’il apparaît comme le représentant de cette société sur différents contrats de travail ; que cette non information sur cette société non inscrite est d’autant plus de nature à vicier le consentement de la Société C SPORT qu’elle n’a pas plus été éclairée sur l’exacte situation financière de cette entreprise qui disposait d’une licence sur le même lieu d’exploitation que celui exploité par la Société C SPORT ; qu’il s’agit là d’un comportement déloyal organisé pour obtenir le consentement, et donc manifestement dolosif, et la Société C SPORT a donc accepté d’entrer dans un tel réseau seulement parce que son consentement a ainsi été profondément vicié par l’absence volontaire de communication d’éléments juridiques et financiers précis sur la situation de cette entreprise précédente non inscrite et cela d’autant plus sûrement que la suite des faits a confirmé la situation tout à fait anormale de cette entreprise, notamment du fait des poursuites des créanciers impayés et de clientes dépossédées de fait de l’avance versée sur des prestations à venir et également les difficultés de nombreuses autres sociétés franchisées dans la France entière puisqu’un certain nombre d’entre elles ont ensuite été placées en liquidation judiciaire ; qu’il convient donc de dire que les contrats de licence souscrits sont donc nuls par application de l’article 1116 du Code Civil ;

ALORS D’UNE PART QUE le vice du consentement de celui qui obtient une licence d’exploitation d’une marque ne se déduit pas du seul manquement du titulaire de la marque à son obligation d’information précontractuelle ; que pour retenir l’existence d’un dol, la Cour d’Appel a affirmé que l’annexe 4 était insuffisante et aurait contenu des informations erronées, là où la Société LADY FITNESS EUROPE soutenait n’avoir eu aucun comportement dolosif ; que faute d’avoir constaté de la part de cette dernière une manœuvre dolosive volontaire afin de dissimuler des éléments essentiels au consentement de la Société C SPORT, la Cour d’Appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1116 du Code Civil, ensemble l’article L 330-3 du Code de Commerce et l’article 1er du décret n° 91-337 du 4 avril 1991 ;

ALORS D’AUTRE PART QUE le candidat à une licence d’exploitation d’une marque est tenu de se renseigner lui-même auprès d’un tiers licencié de cette marque dont il entend poursuivre l’activité ; qu’il ressort des décisions des juges du fond que Monsieur WISSEN a directement négocié le rachat du matériel sportif du centre de METZ et a conclu directement un bail commercial avec le propriétaire des locaux ayant décidé, par souci d’économie, de ne pas racheter le fonds de commerce de l’exploitant ; qu’il s’ensuit que la Société C SPORT, créée par Monsieur WISSEN, devait se renseigner sur l’ensemble des conditions dans lesquelles ce centre était exploité sans pouvoir exiger une telle information de la part de la Société LADY FITNESS EUROPE ; qu’en annulant le contrat de licence d’exploitation de marque concernant le club sportif de METZ pour dol imputable à la Société LADY FITNESS EUROPE faute d’une complète information sur ce centre, la Cour a violé l’article 1116 du Code Civil, ensemble l’article L 330-3 du Code de Commerce et l’article 1er du décret n° 91-337 du 4 avril 1991.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR condamné la Société LADY FITNESS EUROPE à payer à Monsieur WISSEN une somme de 7.500 € en réparation de son préjudice moral ;

AUX MOTIFS QUE, sur les demandes de Monsieur WISSEN, un tiers à un contrat peut invoquer un manquement de l’une des parties à ce contrat et solliciter sur la base de l’article 1382 du Code Civil des dommages et intérêts pour obtenir réparation du préjudice que lui cause cette inexécution ; que c’est avec Monsieur WISSEN que Monsieur RIVOAL est entré en contact ; qu’il est amplement établi que la Société LADY FITNESS EUROPE ne l’a pas éclairé pleinement sur le club de METZ et n’a pas rempli son obligation d’information précontractuelle ; que Monsieur WISSEN a créé sa société pour adhérer aux contrats de licence de la marque LADY FITNESS et a vu sombrer sa société en partie en raison des manquements fautifs imputables à l’appelante ; qu’il a subi un préjudice moral qui doit être réparé par une indemnité de 7.500 € ;

ALORS D’UNE PART QUE l’inexécution d’un contrat peut constituer une faute délictuelle à l’égard d’un tiers au contrat ; que la Cour d’Appel a condamné la Société LADY FITNESS EUROPE à payer des dommages et intérêts à Monsieur WISSEN en se fondant sur l’application de cette règle de droit ; qu’en statuant ainsi, après avoir annulé les contrats de licence de marque, la Cour a violé l’article 1382 du Code Civil ;

ALORS D’AUTRE PART QUE l’associé ne subit pas de préjudice moral du fait de la défaillance de la société ; que la Cour d’Appel a condamné la Société LADY FITNESS EUROPE à payer à Monsieur WISSEN une indemnité pour réparer le préjudice moral dû au fait d’avoir vu sombrer sa société ; qu’en statuant ainsi, bien que la défaillance de la Société C SPORT ne peut constituer un préjudice moral pour Monsieur WISSEN, la Cour a violé l’article 1382 du Code Civil.