CHAMPION contre CARREFOUR MARKET Franchisés : défendez votre terrain !

Juin 2008, la nouvelle est officielle et le changement important pour les membres de la franchise Carrefour : le groupe CARREFOUR abandonne l’enseigne CHAMPION. Le réseau de supermarchés aurait vocation à être rebaptisé « CARREFOUR MARKET ».

A l’évidence, il ne nous appartient pas d’apprécier cette décision éminemment stratégique sur un plan économique. D’un point de vue juridique, en revanche, la décision unilatérale de CARREFOUR est susceptible de justifier de légitimes inquiétudes de la part des franchisés du réseau.

Juridiquement, le franchiseur peut-il changer d’enseigne ?

Et pour cause : le changement d’enseigne d’un réseau passe logiquement par un changement de contrat. Le franchiseur peut dès lors être tenté de profiter d’une telle circonstance pour imposer de nouvelles conditions, notamment financières, plus lourdes que celles figurant dans l’ancien contrat. Il serait pourtant difficilement justifiable que le taux de redevance soit augmenté. De fait, le franchisé CARREFOUR MARKET n’aura-t-il pas vocation à essuyer les plâtres d’un concept et d’une enseigne dont la réussite n’est encore nullement acquise ?

Dans le même esprit, il serait également critiquable que le franchiseur tente d’augmenter les redevances publicitaires au seul motif que le lancement de l’enseigne « CARREFOUR MARKET » exige d’importants investissements initiaux. Après tout, les franchisés CHAMPION ont versé, certains depuis de nombreuses années, de substantielles redevances publicitaires afin de promouvoir l’enseigne à laquelle ils avaient décidé d’appartenir.

Certes, l’annonce de compensations de la part du franchiseur est de nature à faire passer la pilule. Encore faut-il cependant raisonner à plus ou moins long terme. Tout dépend au surplus de la situation de chaque franchisé.

Quelles sont les conséquences pour les franchisés ?

S’agit-il d’un franchisé au seuil de la retraite ? Le jeu n’en vaut peut-être pas forcément la chandelle ! S’agit-il à l’inverse d’un jeune franchisé CHAMPION ? Tous ses investissements ont été réalisés en considération d’une enseigne qu’on lui demande désormais de faire tomber… S’agit-il enfin d’un franchisé exposé à la concurrence locale d’un hypermarché CARREFOUR ? Nul doute que le passage à la franchise Carrefour est susceptible de lui faire perdre une originalité et une spécificité qui étaient jusqu’alors de nature à le démarquer.

Autant de circonstances qui invitent à rappeler l’une des règles fondamentales du droit des contrats : sauf clause contraire, une partie n’est jamais tenue de subir le changement de clauses que prétend lui imposer l’autre partie. Le contrat est la loi des parties (article 1134 alinéa 1er). Plusieurs décisions de justice ont d’ailleurs déjà condamné des franchiseurs pour avoir délaissé l’enseigne d’un réseau au profit d’une autre enseigne. Il convient dès lors de rester vigilant et de ne pas courber l’échine sans raison. Franchisés CHAMPION : vous pouvez bel et bien défendre votre terrain !

Liberté et propriété, droits fondamentaux du franchisé

La jurisprudence reconnait la propriété du franchisé sur son fonds de commerce.

Voici deux arrêts particulièrement bienvenus qui, rendus par la Cour d’appel de Versailles le 27 juin 2014 et le 1er janvier 2015, mettent en exergue deux droits fondamentaux du franchisé trop souvent malmenés : liberté, et propriété.

Liberté d’abord

Assiste-t-on à la fin des clauses de non-concurrence ? La question agite la controverse depuis des années. Elle ne s’en pose pas moins avec une acuité particulière depuis l’adoption, le 28 janvier dernier, d’un amendement n° 1681 lors de la discussion de la d’ores et déjà célèbre loi « Macron » pour la croissance et l’économie. Celui-ci prévoit en effet de réputer non-écrite « toute clause ayant pour effet, après l’échéance ou la résiliation » d’un contrat de distribution conclu dans le domaine du commerce de détail, « de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat ». La mesure est révolutionnaire. Elle pourrait toutefois achopper sur le lobbying qu’exerce actuellement la grande distribution et certaines instances professionnelles.

En attendant, l’arrêt du 27 juin 2014 manifeste une sévérité dont la justice mérite d’être soulignée. Particulièrement soignée, sa motivation doit être saluée. Nous étions ici dans le secteur de la location de véhicules. Un contrat de franchise avait été rompu et le franchiseur exigeait l’application d’une clause interdisant à son ancien partenaire d’exercer la même activité pendant une durée d’un an à compter de la cessation du contrat. Cette clause est annulée par les magistrats versaillais à un double titre.

Première raison d’annulation : son étendue était manifestement excessive. Non seulement le franchisé ne pouvait exploiter d’activité concurrente dans son local, mais l’interdiction s’étendait à tout le département et aux départements limitrophes. Condamné à l’exil donc ! Cela n’était pas raisonnable.

Seconde raison : la disproportion de la clause. La cour d’appel relève fort opportunément que cette clause n’était nullement nécessaire à la protection du savoir-faire du franchiseur. Celui-ci tenait en effet, comme très souvent, dans les conditions préférentielles que l’affiliation au réseau de franchise ménageait au profit du franchisé : centrale d’achat, accès facilité à des solutions de financement, à des programmes d’assurance adaptés à l’activité, soit « autant d’avantages et de facilités dont le franchisé est privé lorsqu’il quitte le réseau ». De sorte que la clause de non-concurrence ne protégeait rien du tout ; tous les avantages liés au savoir-faire s’éteignaient avec la fin du contrat. En réalité, cette clause avait simplement pour objet de verrouiller un territoire au profit du franchiseur, s’apparentant ainsi à une véritable rente de situation peu compatible avec le droit de la concurrence.

La liberté contractuelle dont se gargarisent les franchiseurs afin de justifier la stipulation de tout et n’importe quoi ne saurait porter une atteinte excessive à la liberté d’entreprendre dont le franchisé bénéficie comme tout autre commerçant. Cet arrêt le rappelle à bon escient.

Propriété ensuite.

Le franchiseur sollicitait des juges qu’ils enjoignent au franchisé de cesser l’utilisation de sa ligne téléphonique. A cette fin, il brandissait à nouveau une clause du contrat par laquelle le franchisé s’engageait à ce que ses lignes fussent réservées à l’exploitation de l’activité sous franchise. La validité d’une telle clause était éminemment contestable.

Il est en effet constant que la ligne téléphonique fait partie du fonds de commerce du franchisé. Or il ne l’est pas moins, depuis un célèbre arrêt « Trévisan » de 2012, que le franchisé est propriétaire de son fonds. Aussi la clause était-elle contraire au droit de propriété dont la valeur éminente est garantie non seulement par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, mais encore par l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Au reste, cette clause instaurait également un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Sans doute la Cour d’appel de Versailles a-t-elle refusé d’examiner ces arguments dans son arrêt du 27 juin 2014. Les motifs de son refus sont toutefois purement procéduraux : seule la cour d’appel de Paris était ici compétente afin de connaître du contentieux lié au déséquilibre significatif du contrat.

N’empêche : dans un arrêt du 1er janvier 2015, elle a bel et bien écarté la clause. Selon elle, le franchiseur l’invoquait de pure mauvaise foi. Il n’avait aucun intérêt à empêcher ainsi son ancien partenaire d’utiliser sa ligne téléphonique ! En réalité, il souhaitait juste gêner son activité, en le contraignant à demander un nouveau numéro de téléphone, un nouveau référencement et des frais de publicité non justifiés. Indirectement, c’est donc bien reconnaître la propriété du franchisé sur sa ligne téléphonique.

Deux arrêts pour deux droits fondamentaux : justice est faite !

 

Le boulanger Paul sanctionné pour mauvaise foi dans la mise en œuvre de la résiliation d’un contrat avec un partenaire

Le boulanger Paul sanctionné pour mauvaise suite à la résiliation d’un contrat avec un partenaire.

La bonne foi doit présider aux relations entre franchiseur et franchisé. Par ailleurs, cette obligation s’impose à tous les stades de la relation.

Dans un arrêt du 7 janvier 2015 concernant le réseau Paul, la Cour d’Appel de Paris rappelle certaines règles élémentaires du droit des contrats. La cour insiste notamment sur le devoir de bonne foi du franchiseur. Ainsi elle souligne que le contrat de franchise repose par essence sur l’assistance et le conseil du franchiseur. Or, en s’abstenant de fournir la moindre assistance alors qu’il avait connaissance des difficultés de son franchisé, le franchiseur a agi de mauvaise foi.

 

« Considérant enfin que le contrat de franchise a pour objet la réitération de la réussite commerciale du franchiseur par le franchisé. Qu’il appartenait à la société Holder d’assister son cocontractant pour lui permettre de se sortir des difficultés qu’il a lui-même provoquées, en obtenant la réduction de ses multiples charges comme le montant excessif de son loyer commercial (18 % des charges), en obtenant la révision du contrat d’approvisionnement en produits ‘spécifiques’ qui n’en avaient pas les caractéristiques. Que la société Holder n’a rien fait et a démontré sa mauvaise foi dans l’exécution de son obligation d’assistance imposée par le contrat de franchise« 

En savoir plus …

Propriété de la clientèle du franchisé.

Clientèle du franchisé: mythe ou réalité ?

Cour d’Appel de Paris, 29 avril 1

A qui appartient la clientèle du fonds exploité par le franchisé ?

Depuis le fameux arrêt Trévisan rendu par la Cour de cassation le 27 mars 2002, il est admis que la clientèle locale appartient au franchisé tandis que la clientèle nationale serait la propriété du franchiseur.

« Si une clientèle est au plan national attachée à la notoriété de la marque du franchiseur, la clientèle locale n’existe que par le fait des moyens mis en oeuvre par le franchisé, parmi lesquels les éléments corporels de son fonds de commerce, matériel et stock, et l’élément incorporel que constitue le bail, que cette clientèle fait elle-même partie du fonds de commerce du franchisé puisque, même si celui-ci n’est pas le propriétaire de la marque et de l’enseigne mises à sa disposition pendant l’exécution du contrat de franchise, elle est créée par son activité, avec des moyens que, contractant à titre personnel avec ses fournisseurs ou prêteurs de deniers, il met en oeuvre à ses risques et périls »

Si cette distinction est théoriquement séduisante elle en pratique délicate à mettre en oeuvre. L’arrêt rendu par le 29 avril 2014 par la Cour de cassation en est une excellente illustration. Certes, il s’agit d’un arrêt rendu suite à une ordonnance de référé. Néanmoins, il s’agit là d’une décision intéressante pour les franchisés.

Les faits soumis à la Cour le 24 avril 2014

Dans les faits soumis à la Cour, le franchiseur tentait d’imposer à son franchisé un nouveau logiciel de gestion de la clientèle. Ce logiciel lui aurait donné au franchiseur (la société GROUPE PLANET SUSHI) accès à l’ensemble du fichier client. La demande du franchiseur revenait à nier purement et simplement l’existence d’une clientèle appartenant au franchisé. En déboutant la société GPS, la Cour d’Appel réaffirme que le franchisé est propriétaire de sa clientèle.

« Considérant que ce changement de logiciel, au regard des dispositions susvisées du contrat qui autorisent la société GPS à faire des campagnes de promotion de son concept et de ses produits en direction des clients de ses franchisés et ce y compris après la résiliation du contrat et à conserver la copie du fichier clients après la cessation des relations contractuelles avec le franchisé, conduit à mettre à la disposition du franchiseur un élément essentiel du fonds de commerce du franchisé, avec le risque d’un détournement de sa clientèle au terme du contrat.
Qu’il en résulte, avec l’évidence requise en référé, une modification de l’économie du contrat caractérisant un trouble manifestement illicite et un dommage imminent, celui de la perte de la propriété de données (…).

 
Considérant qu’il convient en conséquence de rejeter les demandes incidentes formées par l’appelante. »

 En conclusion, la franchiseur ne saurait, même par des moyens détournés, s’approprier la clientèle du franchisé.

La validation des prévisionnels par le franchiseur engage sa responsabilité !

Note sous CA Paris, Pôle 5, ch. 4, 7 janvier 2015

La validation des prévisionnels par le franchiseur engage sa responsabilité  : Enfin un peu de justice !

Rappel sur la jurisprudence

De longue date, la jurisprudence considère qu’un franchiseur n’a pas à remettre de chiffres d’affaires prévisionnels aux candidats à l’intégration de son réseau. C’est à ce dernier de faire ses calculs, d’envisager ses perspectives de rentabilité. La solution ne se justifie ni sur un plan juridique, ni sur un plan économique. Juridiquement, les textes imposent au franchiseur de faire connaître au candidat les perspectives de rentabilité ainsi que l’état du marché local (C. com., art. L. 330-3 et R. 330-3). Au reste, le franchiseur est tenu de transmettre un savoir-faire.

Or la réalisation de prévisionnels participe nécessairement dudit savoir-faire. Comment diable le franchiseur peut-il prétendre en détenir un s’il n’est pas capable d’en anticiper l’application sur un secteur donné ? Économiquement, les informations nécessaires à la réalisation de prévisionnels sérieux sont beaucoup plus facilement accessibles au franchiseur. Et ce dernier a tout intérêt à jouer la transparence. Certes, il ne peut s’agir de mettre à sa charge une obligation de résultat. Mais personne ne l’a jamais demandé ! Seuls les prévisionnels irréalistes, grossièrement optimistes méritent d’être sanctionnés. Quoiqu’il en soit, les tribunaux le répètent à longueur de décision, de manière presque hypnotique : le franchiseur n’a pas à réaliser les prévisionnels.

L’arrêt de la Cour d’Appel de Paris

Voilà pourtant que la Cour d’appel de Paris, sans directement revenir sur ce leitmotiv, en atténue singulièrement et la portée, et l’incongruité. Dans une affaire passablement complexe, elle décide d’engager la responsabilité d’un franchiseur au motif que les chiffres prévisionnels qu’il avait validés s’étaient avérés mensongers. La plupart des éléments avaient, comme de juste, étaient fournis au candidat franchisé pour qu’il réalise ses prévisionnels.

Sans doute ceux-ci avaient-ils donc été élaborés par le franchisé. En considération de trois données : le chiffre d’affaires que le concept devait produire à l’endroit choisi, les marges dont bénéficie le franchisé et le montant des travaux d’aménagement pour que le magasin réponde au concept du franchiseur. Mais en les recevant sans formuler la moindre observation, le franchiseur les avait validés, affirment les magistrats parisiens. Or l’étude du contexte économique d’implantation n’avait pas été faite sérieusement par le franchiseur qui, précise la Cour, avait surévalué la force de son concept. De fait, l’écart entre les prévisions et les chiffres réalisés était substantiel : plus de 30 %. Condamnation du franchiseur donc.

La décision est salutaire. Elle est au surplus réaliste et largement transposable. Dans de très nombreux cas, le franchiseur laisse le candidat réaliser formellement des prévisionnels qu’il se borne à recevoir sans broncher. S’il n’en est pas l’auteur, sa ratification change ainsi nécessairement la donne. Car un silence vaut ici nécessairement acceptation. Imagine-t-on qu’un franchiseur laisse un des membres de son réseau se lancer s’il estime que les prévisionnels qui lui sont communiqués sont infaisables ? La solution retenue par les magistrats de la Cour d’appel de Paris a ainsi le mérite de pallier l’injustice de la règle traditionnelle. Les prévisionnels n’ont pas à être faits par le franchiseur ? Soit ! Mais qu’au moins celui-ci n’en valide pas d’excessifs !

Tôt ou tard, la raison finit toujours par l’emporter. Cette sage décision permet du moins de l’espérer !

L’évaluation du préjudice lié à la rupture brutale d’une relation commerciale établie

L’évaluation du préjudice lié à la rupture brutale d’une relation commerciale établie.

A propos de Cass. Com., 24 juin 2014, n° 12-27908

Rappel sur le contentieux lié à la rupture brutale d’une relation commerciale

Le caractère brutal de la rupture

La rupture d’un contrat de distribution est la source d’un abondant contentieux.

La partie qui en est victime peut notamment en contester le caractère brutal. L’article L.442-6, I, 5°, du Code de commerce dispose en effet qu’ « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels », des « arrêtés ministériels », ou à défaut, par le juge.

A supposer que la brutalité de la rupture soit démontrée, encore faut-il néanmoins évaluer le montant de la réparation à laquelle le partenaire évincé peut légitimement prétendre. L’auteur de la rupture engage sa responsabilité : soit ! Mais dans quelle mesure ? Telle est la question. Et c’est tout l’intérêt de l’arrêt rendu le 24 juin 2014 par la chambre commerciale de la Cour de cassation que de préciser la réponse.

L’épineuse question de l’indemnisation du préjudice

De fait, il régnait jusqu’alors un certain flottement jurisprudentiel. Et pour cause : les textes s’avèrent pour le moins évasifs. Tout au plus l’article 1149 du Code civil dispose-t-il que « les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé ».

Les pertes liées à la brutalité d’une rupture ne sont déjà pas faciles à déterminer. Certains postes de préjudice ne sont toutefois pas contestables. Ainsi par exemple de l’impossibilité de redéployer certains investissements spécifiques réalisés par la victime de la brusque rupture. Ou encore, le cas échéant, de la perte d’image liée à une atteinte à la réputation.

 Mais les gains manqués ? Comment les apprécier ? Un débat agite la doctrine et les juges du fond. Sans doute est-il admis que le manque à gagner se calcule sur la période du préavis raisonnable dont la victime a été frustrée. De même est-il évident qu’il ne peut guère correspondre à du chiffre d’affaires : il faut nécessairement tenir compte des charges pesant sur l’entreprise (Cass. Com., 3 déc. 2002 : n° 00-16.818). Dit autrement, ce type de préjudice s’analyse en une perte de marge (V. par ex. Cass. Com., 9 mai 2007, n° 06-11.029). Mais au-delà de ces certitudes, les hésitations allaient bon train.

Car la notion de marge est nébuleuse. Au moins deux acceptions peuvent en être retenues : la marge brute, ou marge commerciale, désigne la différence entre le prix de vente du produit et son coût d’achat ; la marge nette, elle, renvoie au prix de la prestation diminué du coût de revient du produit ou du service commercialisé. Celle-ci intègre donc le coût de fonctionnement de l’entreprise, lequel comprend des coûts fixes et des coûts variables.

Les apport de l’arrêt du 24 juin 2014

La décision rendue le 24 juin dernier par la Cour de cassation semble nettement trancher le débat. Elle casse en effet un arrêt d’appel aux motifs que « seul doit être indemnisé le préjudice résultant du caractère brutal de la rupture, évalué en considération de la marge brute escomptée durant la période de préavis qui n’a pas été exécutée ».

Il est vrai que la méthode de calcul n’est ici qu’évoquée dans une incise. Et que cette décision n’est pas publiée au Bulletin annuel des arrêts de la Cour de cassation. Il n’empêche : cet attendu est formulé dans des termes suffisamment généraux et abstraits pour cristalliser une règle à laquelle la haute juridiction entend se tenir.

Concrètement, la partie qui subit la rupture brutale d’une relation commerciale établie sera bien avisée de solliciter son expert-comptable. De dernier pourra notamment établir cette marge brute et d’emporter la conviction du juge. De nombreuses juridictions du fond s’appuient en effet sur ce type de preuve, dont l’avantage réside dans la simplicité et le sérieux (V. par ex. CA Paris, Pôle 5, ch. 10, 15 sept. 2010 : Jurisdata n° 2010-027116).

Nullité d’un contrat de franchise pour absence de cause et pour dol

Dans un arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 15 avril 2014, les juges annulé un contrat de franchise pour absence de cause et pour dol. Cet arrêt offre l’occasion à la Cour de rappeler les règles applicables en matière de prescription et de nullité.

La médiation suspend le délai de prescription

L’action en nullité du contrat de franchise est recevable. Le contrat a été formé en mars 2005. En septembre 2009, suite aux doléances du franchisé, le franchiseur saisissait le médiateur. Or, selon l’article 2238 du Code Civil, la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation. Le délai quinquennal de prescription prévu par l’article 2224 du Code civil (anciennement article 1304 du Code civil) a donc été suspendu pendant la durée de la médiation. L’action en nullité intentée en février 2010 n’est pas prescrite.

L’absence de savoir-faire du franchiseur est une cause de nullité du contrat

Le contrat de franchise doit être annulé pour absence de cause et pour dol. Le contrat de franchise portait sur des services de courtage en crédits auprès de particuliers et de professionnels. Or le franchiseur n’avait développé aucun savoir-faire pour les crédits aux entreprises et aux professionnels. Il l’a d’ailleurs admis lui-même dans des courriers envoyés aux franchisés.

De plus, le document d’informations précontractuelles remis au franchisé ne comporte aucun renseignement sur l’état local du marché des services faisant l’objet du contrat, aucun renseignement sur le marché du financement aux professionnels et entreprises que ce soit au niveau national ou au niveau local, contrairement aux dispositions de l’article R. 330-1 du Code de commerce. Le consentement du franchisé a donc été vicié. Par suite de l’annulation du contrat, le franchiseur doit restituer les sommes perçues du franchisé. Les sommes à restituer sont les droits d’entrée et redevances pour un total de 47 596 euros.