La jurisprudence prononce la nullité d’un contrat de franchise n’ayant été conclu que sur la base de prévisionnels exagérément optimistes.
Nullité d’un contrat de franchise pour vice du consentement: JUGEMENT TC MEAUX 08 03 16
Rappel sur la nullité du contrat de franchise sur le fondement du dol en cas de prévisionnels exagérément optimisites
De longue date, la jurisprudence prononce la nullité d’un contrat de franchise n’ayant été conclu que sur la base de prévisionnels exagérément optimistes remis aux candidats à la franchise pour emporter leur consentement (V. encore récemment CA Paris, 10 sept. 2014). La Cour d’appel de Montpellier le rappelle fort bien dans un arrêt rendu le 21 octobre 2014 : si la loi ne met pas à la charge du franchiseur l’obligation de fournir une étude du marché local au candidat franchisé, auquel il incombe de s’informer sur les potentialités économiques du fonds, il est de principe que lorsque le franchiseur donne une telle information et communique des comptes prévisionnels laissant entrevoir la perspective d’un chiffre d’affaires, il est tenu de se livrer à une étude sérieuse et réaliste du marché local et de justifier les chiffres annoncés à partir d’éléments objectifs tirés de cette étude.
La jurisprudence récente
Récemment, la Cour de cassation a d’ailleurs fermement précisé qu’en cas d’écart substantiel entre les prévisionnels et les chiffres réalisés, le franchisé était bien fondé à demander l’annulation du contrat de franchise pour erreur sur la rentabilité de l’activité entreprise (Cass. com., 4 oct. 2011). Cette jurisprudence a été maintes fois confirmée depuis lors par la haute juridiction, les perspectives de rentabilité représentant une donnée déterminante d’un contrat de franchise ou plus généralement de distribution (Cass. Com., 31 janv. 2012.- Cass Com., 12 juin 2012.- Cass Com., 25 juin 2013.- Cass Com., 17 mars 2015).
De nombreux défenseurs de franchiseurs se sont offusqués d’une telle solution. Une erreur sur la rentabilité ? Mais le concept serait trop flou ! Il y aurait là une atteinte intolérable à la sécurité juridique !
Les juges du fond ne cèdent pourtant pas à ce vain catastrophisme. A preuve, cette décision rendue le 8 mars dernier par le Tribunal de commerce de Meaux. Ce jugement est intéressant : il rappelle bien la manière dont une telle erreur peut être caractérisée et partant, sanctionnée.
L’apport de la décision du Tribunal de Commerce de Meaux
Les faits de l’espèce
En l’espèce, le franchiseur de chocolats DE NEUVILLE avait remis au candidat, par l’intermédiaire d’une autre société, un compte prévisionnel stipulant des chiffres respectivement de 240 000 euros pour l’année 2011/2012 ; de 256 800 euros pour l’année 2012/2013 et de 274 776 euros pour l’année 2013/2014. Il indiquait au surplus que la moyenne réalisée par les magasins du réseau tournait autour de 220 000 euros annuel.
Cependant, il était établi qu’à l’époque, seuls 20 % des franchisés atteignaient ces prévisionnels. Et puis les résultats de l’exploitation du franchisé ayant conclu le contrat sur la foi de ces prévisionnels s’étaient très rapidement révélés inférieurs aux dites prévisions. Il enregistrait environ 60 % de celles-ci. Par ailleurs, les charges prévisionnelles avaient été sous-évaluées. C’était plus qu’il n’en fallait pour considérer que l’information transmise par le franchiseur manquait de sérieux. Etant précisé que le franchiseur n’avait pas non plus renseigné son interlocuteur sur l’état réel de la concurrence. Annulation du contrat de franchise donc.
La position du tribunal de Meaux
Le jugement insiste au surplus, et la circonstance vaut d’être notée, sur l’expérience du franchiseur. Il n’était pas un profane ; sa notoriété était acquise. De telle sorte que le candidat à la franchise pouvait lui faire confiance. En réalité, n’est-ce pas toujours le cas ? Par définition, le franchiseur entend réitérer une réussite et un savoir-faire. Tel est l’objet du contrat. Que le franchisé lui fasse confiance, c’est également une donnée essentielle de ce partenariat.
Enfin, le tribunal, dans un jugement décidément fort bien motivé, rappelle l’essence même de la franchise : si le franchisé paie un droit d’entrée élevé, verse des redevances, et « s’enferme dans des contraintes juridiques », « c’est avant tout parce qu’il attend du franchiseur une rentabilité lui permettant de couvrir a minima ses charges d’exploitation et même supérieure à celle qu’il obtiendrait en exploitant son commerce seul, sans l’aide d’un franchiseur professionnel connu et reconnu en la matière ».
Quelle belle définition de la franchise ! Elle insiste moins sur le savoir-faire, dont on sait qu’il est aujourd’hui souvent incantatoire, que sur la rentabilité attendue d’un contrat de franchise. Et de fait, voilà l’économie du contrat de franchise. Le franchisé s’engage pour faire des affaires. Les juges ne doivent pas l’oublier. Et de ce point de vue, le jugement rendu par le tribunal de commerce de Meaux est une magnifique leçon de droit et d’économie.