Pas de demi-mesure pour les clauses de non-concurrence !
A propos de Cass. Com., 30 mars 2016 : n° 14-23.261
Dit comme ça, la solution paraît évidente. Dès lors qu’une clause est nulle, personne ne peut raisonnablement en demander l’application.
Et pourtant, il est des évidences dont on se félicite que la Cour de cassation les rappelle fermement. Ainsi la décision qu’elle a rendue le 30 mars 2016 ne doit-elle pas passer inaperçue.
Les faits soumis à la Cour
Le litige était très classique et portait sur le respect d’une clause de non-concurrence post-contractuelle par un franchisé. après rupture de son contrat, un franchisé du secteur de la location automobile était inquiété par son franchiseur qui lui reprochait de poursuivre son activité.
Violation de la clause de non-concurrence, arguait-il ! Problème : la clause était manifestement excessive : le franchiseur se prévalait certes d’un savoir-faire à protéger, d’une atteinte à l’identité et à la réputation de son réseau ainsi que d’un risque de détournement de clientèle… Arguments aussi rituels qu’incantatoires ! La clause interdisait à l’ancien franchisé d’exploiter son activité économique dans six départements. La cour d’appel en avait déduit son caractère disproportionné et l’avait donc tout bonnement annulée.
Pourvoi du franchiseur. Sa thèse était assez originale. Le franchiseur reconnaissant que la clause était illicite au regard de la jurisprudence antérieure (insuffisante limitation dans le temps, dans l’espace etc.). La clause était donc susceptible de porter une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce du franchisé. Pourtant, soutenait le franchiseur, la clause devrait être appliquée malgré tout lorsque, dans la mesure de sa licéité, il est certain que son débiteur l’a violée. Ainsi en est-il si le franchisé a poursuivi la même activité à partir du même local.
La sanction de la nullité de la clause
Or en l’espèce, poursuivait-il, le franchisé s’était rétabli dans les locaux mêmes où il exerçait sa précédente activité.
Dès lors, en déboutant le franchiseur, la Cour d’Appel n’aurait pas légalement justifié sa décision. Ainsi le franchiseur estimait que son action en responsabilité était justifiée puisque le franchisé avait poursuivi la même activité dans le même local.
L’argument est néanmoins balayé. Et il est vrai qu’à bien y réfléchir, sa formulation était assez paradoxale, illogique : comment les juges pouvaient-ils appliquer une clause tenue pour illicite ? N’était-ce pas leur demander l’impossible ?
Les conséquences de l’illicéité d’une clause de non-concurrence
Une solution rigoureuse
Dès lors qu’un juge est appelé à se prononcer sur la validité d’une clause, l’alternative semble bien fermée : ou bien la clause est valable, ou bien elle est nulle. Dans le premier cas, il faut l’appliquer ; dans le second, la supprimer.
Aussi la Cour de cassation rejette-t-elle fort logiquement ce pourvoi : « ayant retenu que la clause de non-concurrence était illicite en raison de son caractère disproportionné, la cour d’appel n’était pas tenue d’effectuer la recherche invoquée à la première branche ».
La réponse est claire. Elle est en outre juste. Posez la solution inverse, quelles seraient les conséquences ? Cela n’est pas difficile à deviner : les franchiseurs n’auraient pas hésité à stipuler des clauses de non-concurrence particulièrement étendues et dissuasives, en se disant qu’après tout, il serait toujours temps de plaider que le franchisé l’a violée dans la mesure où elle aurait été déclarée valable.
Une rigueur justifiée
Certains diront peut-être qu’une clause de non-concurrence excessive pourrait être réduite. La clause était stipulée pour deux ans ? Ramenons-la à une année, voire six mois. Mais quel serait le fondement d’un tel pouvoir de réfaction reconnu au juge ? On peinerait à le trouver. Il serait d’ailleurs piquant de constater que ceux qui promeuvent la validité des clauses de non-concurrence au nom de la liberté contractuelle en seraient ainsi condamnés à en appeler au juge pour parfaire leur accord…
Si toutes les clauses excessives pouvaient être taillées par le juge à mesure des besoins prétendus d’un franchiseur, ces clauses de non-concurrence seraient toujours valables. Le franchiseur ne prendrait donc aucun risque en rédigeant des clauses à large portée. Il suffirait de soutenir le cas échéant que son champ d’application peut être réduit.
De ce point de vue, la solution de la Cour de cassation suscite la pleine approbation.