Franchise et clauses de non-concurrence

Depuis la loi n°2015-990 du 6 août 2015 (dite loi Macron), les clauses de non-concurrence et de non-affiliation post-contractuelles dans les réseaux de distribution sont encadrées. L’article L. 341-2 du Code de commerce énonce à présent quatre conditions devant être respectées pour que la clause soit valable :

  1. L’interdiction doit porter sur des biens et services en concurrence avec les biens et services objet du contrat ;
  2. Elle doit être limitée aux terrains et locaux à partir desquels le franchisé a exercé son activité;
  3. Elle doit être indispensable à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis par l’enseigne à son franchisé ;
  4. Sa durée ne doit pas excéder un an à compter de la fin du contrat.

Ces conditions reprennent en substance la jurisprudence antérieure (sur la loi Macron, voir notre article « Le point sur les clauses de non-concurrence« ).

Toutefois, l’article L. 341-2 du Code de Commerce comportait une ambiguïté, qui vient d’être levée par un arrêt de la Cour de cassation du 5 juin 2024. Cet article renvoie à l’article L 341-1 du Code de commerce qui semble s’appliquer uniquement au « magasin de commerce de détail ». Certaines têtes de réseau en avaient déduit que la limitation des clauses de non-concurrence découlant de la loi Macron ne concernait que les magasins de commerce de détail, ce qui aurait exclu de facto tout un pan de l’activité économique : services à la personnes, agences immobilières, conseil aux entreprises etc.

Une telle limitation n’était aucunement justifiée : cela aurait abouti à admettre plus facilement la validité des clauses de non-concurrence après la réforme de 2015, dont le but était précisément d’encadrer et de limiter ces clauses qui portent atteinte à la liberté de l’ex-franchisé.

Pourtant, certaines juridictions avaient exclu l’application de l’article L 341-2 du Code de commerce à des activités de service (voir par exemple l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 27 janvier 2021 n°19/03581).

L’arrêt rendu le 5 juin 2024 par la chambre Commerciale de la Cour de Cassation est donc particulièrement le bienvenu.  Dans cet arrêt, la Cour estime que les dispositions issues de la Macron et insérée à l’article L 341-2 du Code de Commerce s’appliquent à une agence immobilière. Elle ne suit donc pas l’argumentation du franchiseur, qui soutenait au contraire que l’activité d’agent immobilier ne rentrait pas dans le champ du « commerce de détail ».

La motivation de cet arrêt est par ailleurs particulièrement claire et juste. La Cour interprète l’article L 341-2 du regard du but poursuivi par le législateur :

L’article L. 341-2 du code de commerce vise à mettre un terme aux pratiques contractuelles des réseaux de distribution commerciale qui restreignent la liberté d’entreprendre de leurs affiliés, exploitants de commerce de détail, en dissuadant les changements d’enseigne. Son objectif est de faciliter les changements d’enseigne en vue d’augmenter le pouvoir d’achat des consommateurs, de diversifier l’offre, tout en permettant aux commerçants de faire jouer la concurrence entre enseignes, notamment au niveau des services que celles-ci proposent.

Le législateur a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général qui ne justifie aucune différence de traitement entre les réseaux, selon qu’ils exercent une activité de vente de marchandises ou une activité de services.

Cette décision apporte une clarification qui était indispensable. Elle confirme que toutes les clauses de non-concurrence et de non-affiliation, quel que soit le secteur d’activité concerné, doivent respecter les conditions énoncées à l’article L 341-2 du Code de commerce.