Attention aux clauses de médiation préalable !
Attention aux clauses de médiation préalable : à propos de Cass. ch. mixte, 12 décembre 2014, Pourvoi n° 13-19.684.
La justice négociée a le vent en poupe.
La justice négociée (clauses de médiation, de conciliation etc.) est censée assurer une justice apaisée et contribuer à désengorger les tribunaux. Les contrats de distribution stipulent ainsi de plus en plus souvent une clause instituant une procédure, obligatoire et préalable à la saisine du juge, favorisant une solution amiable du litige. Clause de médiation, clause de conciliation, clause de recours à un expert : quelles que soient les modalités, il s’agit toujours d’imposer aux parties de négocier avant de ferrailler. Les bons sentiments ne font toutefois pas toujours les bonnes clauses…
De fait, s’il est évident que l’une des parties n’entend pas négocier, à quoi bon le lui imposer ? Les parties se rapprocheront de manière purement formelle. Il n’y aura qu’un simulacre de négociation. La Cour de cassation n’en impose pas moins le respect scrupuleux de ce genre de clauses. De manière parfois aussi excessive qu’irréaliste. Rendu le 12 décembre dernier, cet arrêt en témoigne.
En l’espèce, une partie avait violé la clause de conciliation. Elle avait saisi le juge judiciaire d’une action en responsabilité sans avoir préalablement mis en œuvre la clause stipulée au contrat. Sans doute l’avait-elle mise en œuvre. Mais après l’introduction de l’instance. Trop tard donc ! La Cour d’appel de Montpellier avait ainsi déclaré son action irrecevable. Et la Cour de cassation confirme cet arrêt, décidant de manière très générale que la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de ce type de clauses n’est pas susceptible d’être régularisée par leur application en cours d’instance.
Critique de l’arrêt rendu par la Cour de Cassation
La solution est très contestable. Certes, la clause était obligatoire. Ne portant qu’une atteinte temporaire au droit fondamental d’ester en justice, celle-ci est en effet parfaitement licite (Cass. ch. mixte, 14 fév. 2003, n° 00-19.423 et n° 00-19.424 : Bull. ch. mixte, n° 1). Il n’est pas moins acquis depuis 2003 que la sanction de la violation d’une telle clause réside dans une fin de non-recevoir (Cass. ch. mixte, 14 fév. 2003, préc.).
Or l’article 126, al. 1er, du Code de procédure civile prévoit bien la possibilité d’une régularisation dans les termes suivants : « dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ». Et quel est l’esprit d’une clause de médiation ? Il s’agit simplement de prévoir une tentative de règlement amiable avant qu’un juge statue sur leur litige. Peu importe que cette clause soit mise en œuvre avant ou après l’introduction de l’instance. Il reste en effet possible de revenir à une situation conforme à la règle tant que le juge n’a pas statué.
D’aucuns objecteront que le climat délétère qu’implique l’introduction d’une instance compromet les chances d’une solution amiable. Les parties savent toutefois fort bien qu’à défaut de s’entendre, le juge aura toujours le dernier mot, quelle que soit la date de sa saisine. Au demeurant, il n’est pas certain que l’introduction d’une instance compromette une négociation. Elle peut tout au contraire la favoriser. En pratique, les parties peuvent être d’autant plus enclines à transiger que la menace d’une décision judiciaire se profile de manière imminente.
Le contexte
Dans ces conditions, on comprend bien mieux la solution qu’avait adoptée la deuxième chambre civile et la chambre commerciale de la Cour de cassation dans deux arrêts rendus respectivement les 16 décembre 2010 et 3 mai 2011. Où la Haute juridiction décidait que le défaut de mise en œuvre d’une clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir qui peut être régularisée en cours d’instance (Cass. civ. 2, 16 déc. 2010, n° 09-71.775 : Bull. civ. II, n° 212 ; JCP 2011, n° 22, p. 666, n° 12, obs. T. Clay ; RTD Civ. 2011, p. 170, note R. Perrot ; Dr. des contrats, L’essentiel, 1er fév. 2011, n° 2, p. 6, obs. G. Guerlin ; RDC 2011, p. 916, obs. C. Pelletier.- Cass. com., 3 mai 2011, n° 10-12.187 : RDC 2012, p. 884, obs. C. Pelletier).
De ce point de vue, l’arrêt du 12 décembre est un changement de cap jurisprudentiel que rien ne justifie. Quelles sont en effet les conséquences de la solution qui en résulte ? La partie dont l’action est déclarée irrecevable souhaitera naturellement introduire une nouvelle action. Devra-t-elle pour autant, au nom de la clause, tenter une nouvelle négociation ? La tentative serait aussi vaine que dilatoire. C’est d’ailleurs le paradoxe auquel aboutit l’arrêt commenté : à vouloir assurer l’efficacité des clauses de médiation censées court-circuiter le recours au juge, la solution tend à encombrer ce dernier.
Cet arrêt s’inscrit dans une tendance plus générale consistant à favoriser les modes alternatifs de règlement des litiges. Sur ce point vous pouvez consulter nos articles sur :
- la validité clauses d’arbitrage;
- les conditions d’application de la clause de conciliation
- les conséquences de la généralisation des clauses d’arbitrage