Une législation spécifique à la franchise !
Une loi est nécessaire en matière de réseaux de franchise. S’il « ne faut légiférer qu’en tremblant« , comme l’enseignait Montesquieu, cela ne saurait toutefois justifier l’immobilisme. Et si l’on comprend que l’inflation législative est un mal dont il faut se garder, les lois inutiles qu’adopte trop souvent le Parlement ne doivent pas empêcher les lois nécessaires.
Les enseignes de la grandes distribution retoquées par l’Autorité de la Concurrence
L’avis rendu le 7 décembre 2010 par l’Autorité de la Concurrence a beau ne concerner que la grande distribution alimentaire, il a le mérite de relancer un débat plus général que le regretté Professeur Beauchard appelait encore récemment de ses vœux (in La protection du franchisé au début du XXe siècle, L’harmattan, 2009).
L’Autorité de la concurrence a stigmatisé l’opacité et la rigidité des contrats d’affiliation et de partenariat dans le groupe de la distribution alimentaire. Mais ce double grief vaut pour l’ensemble du droit de la franchise. Qui manque cruellement de transparence d’une part ; de souplesse d’autre part. Par où l’intervention du législative s’avère nécessaire à ce double titre.
Une loi pour davantage de transparence au sein des réseaux de franchise
Car il faut le dire : le droit de la franchise est actuellement nébuleux. Il l’est à raison de ses deux sources principales : le contrat et la jurisprudence.
La liberté contractuelle dont se gargarisent les franchiseurs favorise moins en effet l’adaptation d’un contrat à la spécificité d’un réseau que l’étouffement des franchisés dans le lacis de clauses dont la complexité est souvent entretenue à dessein. L’avis du 7 décembre 2010 en témoigne suffisamment. Au reste, on le sait de longue date : la liberté contractuelle n’est qu’un vain mot lorsque l’une des parties dicte à l’autre les clauses du contrat. Cette liberté n’est que le paravent de la volonté unilatérale du franchiseur. Objectera-t-on que le franchisé peut ne pas s’engager ? Certes. C’est aussi l’argument que les employeurs utilisaient à la fin du XIXe siècle lorsqu’ils luttaient contre l’avènement du droit du travail…
La jurisprudence est, quant à elle, beaucoup trop versatile. Bien malin celui qui pourrait par exemple prévoir que telle clause de non-concurrence est assurément valable ! L’appréciation des critères de validité dégagés par la Cour de cassation est fluctuante, erratique. Par où l’on retrouve Pascal : Plaisante justice qu’une rivière borne ; Vérité au-delà des Pyrénées, Erreur en-deça ! Chacun se souvient également de cet arrêt du 9 octobre 2007 ayant octroyé une indemnité de clientèle à un franchisé dont les contrats avaient cessé : pas un commentateur n’y a vu la même chose ! Et que dire de la saga « Chattawak » qui déchire actuellement le petit monde de la franchise ? Non, décidément, le droit de la franchise est par trop fuyant. Une loi y mettrait utilement bon ordre.
Une loi pour davantage de souplesse au profit du réseau de franchise mais surtout des franchisés, ensuite
Cette loi s’impose d’ailleurs également pour davantage de souplesse. L’Autorité de la Concurrence y insiste à fort juste titre : les franchiseurs mobilisent la liberté contractuelle afin de restreindre la liberté du commerce ! C’est dès lors au nom d’une saine et vive concurrence qu’il y a lieu de libéraliser la fin de contrat : en supprimant les clauses de non-concurrence ou de non-affiliation au profit de simples clauses de confidentialité ; en limitant les effets de blocage inhérents aux prises de participation des franchiseurs dans le capital social de leurs franchisés, en limitant la durée d’engagement des franchisés etc. Toutes ces mesures ne peuvent être menées à bien que par une loi. A cet égard, il n’est peut-être pas inutile de rappeler que certains Etats, et non des moindres, des Etats-Unis, n’ont pas hésité à franchir le pas. Ainsi la loi californienne interdit-elle par exemple les clauses de non-concurrence (Business profession code, §16600).
Une loi pour encadrer les prérogatives du franchiseur à la fin du contrat, enfin
Les contrats de franchise prévoient souvent des clauses qui ont vocation à s’appliquer après la cessation de la relation contractuelle : clauses de non-concurrence, clause d’agrément, clause d’arbitrage etc. Le candidat à la franchise, optimiste et désireux de rejoindre un réseau, ne songe pas à ces clauses avant de s’engager. Et pourtant il devrait !
Ces clauses peuvent se révéler désastreuses à la fin du contrat. Une intervention législative est nécessaire pour :
- encadrer très strictement les clauses d’arbitrage, qui ne cessent de s’étendre ;
- interdire purement et simplement les clauses de non-concurrence post-contractuelle. Si la loi Macron apporte sur ce point une amélioration, elle reste insuffisante.
La loi El Khomri et la loi Macron se sont intéressées à la franchise mais de nombreuses améliorations sont toujours nécessaires.