Les avis de l’ADLC du 7 décembre 2010 (n°10-A-26) et du 11 janvier 2011 (n°12-A-01) dressent un état des lieux alarmant dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire, constatant de nombreuses barrières à l’entrée freinant les projets de magasins concurrents.
Les clauses de non-réaffiliation et de non-concurrence figurent évidemment parmi les obstacles majeurs à l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché.
Ces clauses contribuent à dissuader l’affilié de sortir du réseau puisqu’il n’est pas « autorisé » à s’affilier à un réseau concurrent ou à exercer une activité concurrente pendant un certain laps de temps variable.
Et pourtant, si l’on interroge les franchiseurs, ceux-ci se targueront de vouloir préserver ainsi leur savoir-faire si généreusement transmis.
Précisons d’abord ce qu’on entend par clause de non-concurrence et clause de non-réaffiliation : un éclaircissement terminologique ne saurait être de trop.
La Cour de Cassation a opéré une distinction terminologique dans un arrêt du 28 septembre 2010 en précisant que « la clause de non-concurrence a pour objet de limiter l’exercice par le franchisé d’une activité similaire ou analogue à celle du réseau qu’il quitte, tandis que la clause de non-réaffiliation se borne à restreindre sa liberté d’affiliation à un autre réseau ».
Au vu de la lecture opérée par la Cour de Cassation, la clause de non-réaffiliation serait donc moins restrictive que la clause de non-concurrence, en ce qu’elle ne vise à interdire que l’affiliation à un réseau concurrent, mais laisse libre l’ex-affilié d’exercer une activité similaire.
Loin d’un tel formalisme, L’ADLC propose, dans son avis du 7 décembre 2010, un raisonnement bien plus réaliste. Elle assimile la clause de non-réaffiliation à la clause de non-concurrence au vu des effets restrictifs de concurrence qu’elle implique : « dès lors que l’interdiction de réaffiliation rend, non pas impossible, mais très difficile la poursuite de l’exploitation du fonds de commerce et sa rentabilité aléatoire, la clause de non-réaffiliation pourrait valablement être assimilée à une clause de non-concurrence. »
L’ADLC assimile donc les clauses de non-réaffiliation aux clauses de non-concurrence par une lecture pragmatique des effets de ces deux types de clauses : la clause de non-réaffiliation rend très difficile la poursuite de l’exploitation, et en ce sens, elle amoindrit la liberté concurrentielle de l’ex affilié. Le degré d’atteinte à la liberté concurrentielle de l’ex affilié indiffère l’autorité de régulation : à partir du moment où il y a restriction à la concurrence, alors il s’agit de clauses de non-concurrence.
L’ADLC étudie ensuite ces clauses suivant sa méthode habituelle d’analyse, à savoir sous l’angle des principes de nécessité et de proportionnalité : le caractère nécessaire peut se justifier dès lors qu’un savoir-faire est en jeu et doit être effectivement protégé. Toutefois, si ces clauses peuvent s’avérer nécessaires, sont-elles proportionnées au vu de l’enjeu et de leur durée ? Ce n’est pas si certain selon l’Autorité de la concurrence.
En outre, l’autorité reconnaît à juste titre que les concepts de vente évoluent très rapidement et qu’il serait inutile de « retenir » l’ex affilié par ces clauses de non-réaffiliation et de non-concurrence.
L’ADLC en déduit que ces clauses post-contractuelles « ne remplissent pas les conditions de nécessité et de proportionnalité au regard des objectifs poursuivis, érigées par le droit de la concurrence » et propose un encadrement des clauses par les dispositions de l’article 5-3 du règlement n°330-2010 du 20 avril 2010 sur les restrictions verticales : en ce sens, l’ADLC préconise de limiter la durée des clauses à un an et à un seul magasin objet du contrat en cause.
N’aurait-il pas été plus opportun de la part de l’ADLC d’en conclure et d’en appeler à une éradication de ces clauses plutôt qu’à une limitation de celles-ci ?
Le projet de loi LEFEBVRE, qui avait fondé l’espoir de la suppression des clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation, ne propose pas pour autant de les éradiquer.
En réalité, le projet de loi est assez décevant : le nouvel article L340-5- I prévu qualifie ces clauses de clauses réputées non écrites. Il n’y a toutefois là qu’un principe… Par exception, elles pourraient être admises sous certaines conditions cumulatives : –si elles concernent des biens et services en concurrence avec ceux objets de la convention d’affiliation – si elles sont limitées aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant exerce son activité pendant la durée de la convention d’affiliation – si elles sont indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre de la convention d’affiliation –si elles n’excèdent pas un an après l’échéance ou la résiliation de la convention d’affiliation.
L’éradication pure et simple desdites clauses aurait été plus audacieuse et en conformité avec les objectifs de droit de la concurrence.
Une clause de non-concurrence, même limitée à quelques mois, empêche tout bonnement d’exploiter son fonds ! Elle revient dès lors à nier le droit de propriété du franchisé sur sa clientèle. Et le résultat sera le même en cas de clause de non-réaffiliation, si celle-ci est stipulée dans un contrat relatif à un secteur pour lequel l’appartenance à un réseau est une nécessité économique.