Délai pour agir en nullité du contrat de franchise pour absence de rentabilité

(Note sous CA Colmar, Chambre civile 1, section A, 15 Mai 2012)

De manière générale, la jurisprudence se montre de plus en plus sensible à l’exigence de rentabilité en matière de franchise. Deux arrêts du 4 octobre 2011 rendus par la Cour de cassation ont lancé le mouvement en acceptant d’annuler un contrat de franchise pour erreur sur la rentabilité, laquelle résultait d’une mauvaise information précontractuelle imputable au franchiseur. Souvent, un écart sensible entre les prévisionnels remis par le franchiseur et les chiffres effectivement réalisés par le franchisé caractérisera l’erreur de ce dernier. Un arrêt du 12 juin 2012 confirmait cette tendance en décidant qu’ « ayant retenu que les chiffres prévisionnels contenus dans [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][le document d’information précontractuel], fournis par le franchiseur, sont exagérément optimistes au regard de l’écart très important qu’ils présentent avec les chiffres d’affaires réalisés par [le franchisé, à qui] il n’est reproché aucune faute de gestion, et relevé que ces données portent sur la substance même du contrat de franchise, pour lequel l’espérance de gain est déterminante, la cour d’appel … a caractérisé le vice du consentement qu’elle a retenu pour prononcer l’annulation du contrat ».

Qu’un contrat de franchise puisse être annulé pour erreur sur la rentabilité de l’activité entreprise, voilà qui n’est donc plus douteux. La rentabilité est une donnée essentielle et déterminante du contrat de franchise : les candidats à la franchise le savent depuis longtemps ; les tribunaux le reconnaissent désormais clairement.

Reste alors à déterminer le régime de la nullité du contrat. Et de ce point de vue, la question du délai pour agir se pose au premier chef. L’argument sera en effet fréquemment invoqué par le franchiseur : vous agissez trop tard ! Quelles sont donc les règles applicables ? L’arrêt rendu le 15 mai 2012 par la Cour d’appel de Colmar les rappelle très nettement en décidant que l’action en nullité pour vice du consentement est soumise à la prescription quinquennale. Il convient en effet de se référer à l’article 1304 du Code civil : « dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans. Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d’erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts ». Dès lors, si les informations inexactes relatives à l’emplacement du futur franchisé, au loyer dû, au nombre de pistes de lavage (il s’agissait d’une franchise de station de laverie automatique), ne pouvaient échapper au franchisé, en revanche, le défaut de rentabilité de l’exploitation ne pouvait pas être immédiatement décelé. En effet, ce n’est qu’à la suite d’une période minimale d’activité que le caractère erroné des informations fournies sur la rentabilité pressentie de l’affaire pouvait être décelé.

Au cas particulier, le franchisé n’avait d’ailleurs attendu que trois mois pour manifester ses problèmes de rentabilité au franchisé. C’était fort peu. Le délai accordé au franchisé pour se rendre compte qu’il a été dupé pourrait raisonnablement aller plus loin. C’est un signe de souplesse qui montre les avantages de raisonner sur le terrain des vices du consentement. Après tout, un franchisé pourrait tout aussi bien recourir à la théorie de la cause. Pourquoi s’engage-t-il en effet ? Afin de réitérer une réussite commerciale ! La franchise, c’est bien cela : la duplication d’un savoir-faire pour réussir ! Que l’exécution du contrat selon l’économie voulue par les parties soit impossible, le contrat devrait être nul pour absence de cause. Mais la nullité pour absence de cause se prescrit par cinq ans à compter de la conclusion du contrat. De ce point de vue, le fondement de l’erreur paraît donc bien plus expédient.

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La franchise : le mot et la chose

(A propos de deux arrêts rendus le 18 janvier 2012 par la chambre sociale de la Cour de cassation, n° 10-16342 ; n° 10-23921)

 C’est l’un des maîtres mots de la franchise : l’indépendance ! Parfois invoqué de manière incantatoire, celle-ci est censée innerver cette technique de distribution. Juridiquement indépendant, le franchisé serait à mille lieux du salarié. Qu’un contrat soit ostensiblement intitulé « franchise » n’empêche toutefois pas d’envisager l’application du droit du travail lorsque cette indépendance n’est plus qu’un vain mot…

Les deux arrêts rendus le 18 janvier 2012 par la chambre sociale de la Cour de cassation revêtent à cet égard une indéniable portée didactique. Rendus le même jour, ils rappellent les deux voies par lesquelles le droit du travail est susceptible de s’immiscer dans les rapports entre de prétendus franchiseurs d’une part et de prétendus franchisés d’autre part.

La première affaire concernait le réseau FIVENTIS, spécialisé dans la commercialisation des produits immobiliers, d’assurance-vie et d’épargne défiscalisée. L’examen des contrats litigieux avait toutefois révélé une série de clauses traduisant l’assujettissement du distributeur, lequel n’était en réalité qu’un simple agent d’exécution, ne disposant d’aucune autonomie. De telle sorte qu’en résiliant ledit contrat, la tête de réseau avait procédé à un licenciement ouvrant droit aux indemnités afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre les rappels de salaires et de congés payés, l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés ainsi que le remboursement du droit d’entrée et des redevances ayant été indûment perçues. Ici, un véritable lien de subordination avait permis à la cour d’appel de Rennes de caractériser un véritable contrat de travail. Ce qu’avalise la Cour de cassation dans des termes dénués d’ambiguïté pour rejeter le pourvoi formé par le soi-disant franchiseur : « Mais attendu que la cour d’appel a retenu que la société FIVENTIS avait, selon les stipulations du contrat de franchise, imposé à M. X… des obligations détaillées et applicables de bout en bout dans les relations avec les clients, renforcées ensuite par des instructions tout aussi détaillées, que, transformé en simple agent d’exécution, l’intéressé ne disposait d’aucune autonomie et qu’en résiliant le contrat, la société avait fait usage de son pouvoir de sanction ; qu’en l’état de ces constatations, elle a pu en déduire, sans être tenue de retenir que les sociétés JPB CONSEILS et JPB COURTAGE avaient un caractère fictif, que M. X… se trouvait dans un lien de subordination à l’égard de la société FIVENTIS, caractérisant un contrat de travail ».

La seconde affaire concernait cette fois le réseau YVES ROCHER. Et rappelle que l’application du droit du travail n’implique pas nécessairement qu’un lien de subordination, impliquant pouvoir de direction, de surveillance et de sanction, soit établi. Ce que rappelle ici fort clairement la Cour de cassation dans son principal attendu : « l’action tendant à faire reconnaître que les dispositions de l’article 7321-2 du code du travail sont applicables à un rapport contractuel n’exige pas que soit établie l’existence d’un lien de subordination ». Il convient en effet de rappeler qu’aux termes de ce l’article L7321-2, 2°, « est gérant de succursale toute personne dont la profession consiste essentiellement a) soit à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise ; b) soit à recueillir les commandes ou à recevoir des marchandises à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d’une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise ».

Ces deux décisions ont le mérite de rappeler que l’indépendance du franchisé ne relève pas seulement d’un discours publicitaire tenu à l’attention des candidats à la franchise. Elle doit exister dans les faits ; au-delà des mots en somme.

Délais de paiement abusifs = Déséquilibre significatif !

(Trib. Com. Meaux, 6 déc. 2011, n° 2009-02295, Ministre de l’Economie c/Sté Provera France)

 Le 4 août 2008, la loi de modernisation de l’économie introduisait une petite révolution dans le droit des affaires : tandis que la chasse aux clauses abusives n’était pour lors ouverte qu’entre professionnels et consommateurs, cette loi l’a en effet étendue aux rapports entre professionnels. Désormais, l’article L 442-6,2° du Code de commerce dispose ainsi qu’ « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».

Etrangement, ce texte reste encore peu utilisé. Tout au plus relève-t-on un jugement du Tribunal de commerce de Lille qui, le 6 janvier 2010, s’en était saisi pour fustiger les délais de paiement pratiqués par un distributeur pour régler les factures émises par les fournisseurs par rapport à ceux que ce même distributeur exigeait de ces fournisseurs pour le règlement des acomptes sur ristournes.

Dans son jugement du 6 décembre 2011, le Tribunal de commerce de Meaux emboîte toutefois opportunément le pas en décidant que deux clauses du contrat de distribution litigieux créaient un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Une première clause ouvrait au distributeur la possibilité de résilier le contrat conclu avec le fournisseur en cas de « sous performance » des produits. Cela étant, la « performance » d’un produit dépend pour beaucoup des prestations du distributeur. En sorte qu’une telle clause ménageait au distributeur droit de vie et de mort sur le contrat, à sa discrétion. Clause abusive donc !

Une seconde clause concernait les délais de paiement. Les prestations du distributeur (la « coopération commerciale » donc) étaient en effet facturées suivant un calendrier d’acompte déterminé en fonction du budget global convenu. D’un autre côté, les achats étaient payés de 30 à 60 jours après leur livraison. D’où le décalage : tandis que les prestations du distributeur sont évidemment liées aux produits livrés, elles devaient être payées avant les marchandises. Le déséquilibre était ainsi manifeste. Clause abusive derechef !

Le problème réside dans la sanction. Dans l’espèce ayant donné lieu au jugement du Tribunal de Meaux, l’action avait été introduite par le Ministère de l’économie. Et le distributeur se voit condamné à une amende civile de 250.000 euros.

Le mieux serait toutefois d’aboutir à l’éradication de ce type de clauses abusives. D’autres décisions sont donc à espérer pour assurer le plein rendement d’un texte utile pour la justice et l’équilibre des rapports contractuels dans le secteur de la distribution.

Clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation : le glas a-t-il sonné ?

Les avis de l’ADLC du 7 décembre 2010 (n°10-A-26) et du 11 janvier 2011 (n°12-A-01) dressent un état des lieux alarmant dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire, constatant de nombreuses barrières à l’entrée freinant les projets de magasins concurrents.

Les clauses de non-réaffiliation et de non-concurrence figurent évidemment parmi les obstacles majeurs à l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché.

Ces clauses contribuent à dissuader l’affilié de sortir du réseau puisqu’il n’est pas « autorisé » à s’affilier à un réseau concurrent ou à exercer une activité concurrente pendant un certain laps de temps variable.

Et pourtant, si l’on interroge les franchiseurs, ceux-ci se targueront de vouloir préserver ainsi leur savoir-faire si généreusement transmis.

Précisons d’abord ce qu’on entend par clause de non-concurrence et clause de non-réaffiliation : un éclaircissement terminologique ne saurait être de trop.

La Cour de Cassation a opéré une distinction terminologique dans un arrêt du 28 septembre 2010 en précisant que « la clause de non-concurrence a pour objet de limiter l’exercice par le franchisé d’une activité similaire ou analogue à celle du réseau qu’il quitte, tandis que la clause de non-réaffiliation se borne à restreindre sa liberté d’affiliation à un autre réseau ».

Au vu de la lecture opérée par la Cour de Cassation, la clause de non-réaffiliation serait donc moins restrictive que la clause de non-concurrence, en ce qu’elle ne vise à interdire que l’affiliation à un réseau concurrent, mais laisse libre l’ex-affilié d’exercer une activité similaire.

Loin d’un tel formalisme, L’ADLC propose, dans son avis du 7 décembre 2010, un raisonnement bien plus réaliste. Elle assimile la clause de non-réaffiliation à la clause de non-concurrence au vu des effets restrictifs de concurrence qu’elle implique : « dès lors que l’interdiction de réaffiliation rend, non pas impossible, mais très difficile la poursuite de l’exploitation du fonds de commerce et sa rentabilité aléatoire, la clause de non-réaffiliation pourrait valablement être assimilée à une clause de non-concurrence. »

L’ADLC assimile donc les clauses de non-réaffiliation aux clauses de non-concurrence par une lecture pragmatique des effets de ces deux types de clauses : la clause de non-réaffiliation rend très difficile la poursuite de l’exploitation, et en ce sens, elle amoindrit la liberté concurrentielle de l’ex affilié. Le degré d’atteinte à la liberté concurrentielle de l’ex affilié indiffère l’autorité de régulation : à partir du moment où il y a restriction à la concurrence, alors il s’agit de clauses de non-concurrence.

L’ADLC étudie ensuite ces clauses suivant sa méthode habituelle d’analyse, à savoir sous l’angle des principes de nécessité et de proportionnalité : le caractère nécessaire peut se justifier dès lors qu’un savoir-faire est en jeu et doit être effectivement protégé. Toutefois, si ces clauses peuvent s’avérer nécessaires, sont-elles proportionnées au vu de l’enjeu et de leur durée ?  Ce n’est pas si certain selon l’Autorité de la concurrence.

En outre, l’autorité reconnaît à juste titre que les concepts de vente évoluent très rapidement et qu’il serait inutile de « retenir » l’ex affilié par ces clauses de non-réaffiliation et de non-concurrence.

L’ADLC en déduit que ces clauses post-contractuelles « ne remplissent pas les conditions de nécessité et de proportionnalité au regard des objectifs poursuivis, érigées par le droit de la concurrence » et propose un encadrement des clauses par les dispositions de l’article 5-3 du règlement n°330-2010 du 20 avril 2010 sur les restrictions verticales : en ce sens, l’ADLC préconise de limiter la durée des clauses à un an et à un seul magasin objet du contrat en cause.

N’aurait-il pas été plus opportun de la part de l’ADLC d’en conclure et d’en appeler à une éradication de ces clauses plutôt qu’à une limitation de celles-ci ?

Le projet de loi LEFEBVRE, qui avait fondé l’espoir de la suppression des clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation, ne propose pas pour autant de les éradiquer.

En réalité, le projet de loi est assez décevant : le nouvel article L340-5- I prévu qualifie ces clauses de clauses réputées non écrites. Il n’y a toutefois là qu’un principe… Par exception, elles pourraient être admises sous certaines conditions cumulatives : –si elles concernent des biens et services en concurrence avec ceux objets de la convention d’affiliation – si elles sont limitées aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant exerce son activité pendant la durée de la convention d’affiliation  – si elles sont indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre de la convention d’affiliation –si elles n’excèdent pas un an après l’échéance ou la résiliation de la convention d’affiliation.

L’éradication pure et simple desdites clauses aurait été plus audacieuse et en conformité avec les objectifs de droit de la concurrence.

Une clause de non-concurrence, même limitée à quelques mois, empêche tout bonnement d’exploiter son fonds ! Elle revient dès lors à nier le droit de propriété du franchisé sur sa clientèle. Et le résultat sera le même en cas de clause de non-réaffiliation, si celle-ci est stipulée dans un contrat relatif à un secteur pour lequel l’appartenance à un réseau est une nécessité économique.

Le projet de loi Lefebvre : une réforme inaboutie ?

Ce projet de loi est né à la suite de l’avis rendu par l’Autorité de la Concurrence le 7 décembre 2010 pour le secteur de la grande distribution alimentaire sous enseigne, partant du constat que les contrats d’affiliation étaient fortement opaques et rigides dans ce secteur.

L’Autorité de la Concurrence estime ainsi que « l’instruction a relevé une certaine opacité des relations qu’entretiennent les groupes de distribution alimentaire avec leurs affiliés), due notamment à la multiplication des documents contractuels formalisant la relation et au manque d’information de l’affilié sur la portée des engagements auxquels il a souscrits ».

L’idée est dès lors de remplacer le multiple par l’Un ; de substituer une convention dite d’affiliation aux multiples contrats que les têtes de réseaux imposent aujourd’hui à leurs partenaires (contrat de franchise, contrat d’approvisionnement, contrat de fidélisation etc…).

                  Une réforme sectorielle

  • Il faut bien avoir à l’esprit que le projet de loi ne concerne que le secteur alimentaire : ainsi, la réforme de la franchise n’opère que dans le cadre des enseignes alimentaires.

Et pourtant, la franchise méritait une réflexion d’ensemble. Sous prétexte d’un émiettement contractuel propre à la distribution alimentaire, le projet de loi instaure ainsi un dispositif spécial, nuisant à la cohérence et à l’unité du droit de la franchise.

Un document unique

  • Le premier article du projet de loi précise que la convention d’affiliation ne peut se formaliser que dans un document unique.

Le projet de cette convention d’affiliation sera remis au moins 2 mois avant la signature de la convention. Cette remise 2 mois avant est certes plus protectrice de l’affilié, mais encore faut-il savoir ce que le document unique recouvre réellement. Le contenu en est fixé à l’article L340-1, IIIème du code de commerce. Toutefois les informations listées que le document doit inclure ne sont pas exhaustives : seulement 5 types d’informations sont répertoriées : – 1°) les conditions de l’affiliation et de la participation au groupement  -2°) les conditions d’utilisation des services commerciaux apportés à l’exploitant, en particulier des services d’approvisionnement et d’usage des marques et des enseignes 3°) le fonctionnement du réseau 4°) les conditions de renouvellement, cession et résiliation des contrats régissant les relations commerciales découlant de l’affiliation ; 5°) les obligations applicables après rupture des relations d’affiliation

Le contenu de ce document unique a des contours incertains, puisque la liste visée à l’article L340-1 n’est pas exhaustive.

En outre, comment le projet de ce document unique va–t-il se concilier avec le Document d’Informations Précontractuelles issu de la loi Doubin ? Le législateur ne pipe mot. Et quid de la sanction en cas de non remise, de remise tardive ou de document incomplet ? Le projet évoque certes expressément la nullité. Mais s’agira-t-il d’une nullité automatique ou la loi Lefevbre, à la supposer votée, connaîtra-t-elle le sort de sa grande sœur Doubin ? On le voit : d’importantes questions restent en suspens.

Les limites posées à la convention d’affiliation

  • Le projet de loi fixe à 6 ans la durée maximale de toutes les conventions d’affiliation et aucune possibilité de renouvellement par tacite reconduction n’est envisagée.

L’impossibilité de renouveler par tacite reconduction permet de clarifier les relations contractuelles entre les acteurs et de renégocier éventuellement le contrat.

  • Le projet de loi vise à interdire les clauses compromissoires, c’est-à-dire les clauses qui soumettent obligatoirement à l’arbitrage les litiges nés de l’exécution du contrat, qui désavantagent de toute évidence les affiliés par rapport aux têtes de réseau compte tenu du coût de cette forme de justice privée qu’est l’arbitrage.

  • D’autres dispositions plus avantageuses pour les affiliés sont prévues : ainsi, les clauses prévoyant un droit de préemption ou de préférence pour les têtes de réseau en cas de cession de l’immeuble dans lequel est exploité le fonds de commerce de l’affilié, ou du fonds de commerce lui-même, seront réputés non écrites.

  • Le nouvel article L340-5- I prévu qualifie les clauses de non concurrence, ou de non affiliation post contractuelle, de clauses réputées non écrites. Elles ne seront ainsi réputés avoir aucun effet et ne pourraient être admises qu’à certaines conditions cumulatives : –si elles concernent des biens et services en concurrence avec ceux objets de la convention d’affiliation – si elles sont limitées aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant exerce son activité pendant la durée de la convention d’affiliation  – si elles sont indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre de la convention d’affiliation –si elles n’excèdent pas un an après l’échéance ou la résiliation de la convention d’affiliation

Même si les clauses de non-concurrence ou de non affiliation ne sont admises que sous certaines conditions cumulatives, elles peuvent toutefois être encore mises en œuvre, sans toutefois excéder la durée d’un an.

Une réforme non aboutie

Même si certaines dispositions prévues dans le projet de loi semblent plus avantageuses sous certains aspects, pour les affiliés, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un projet de réforme sectoriel, cantonné à la grande distribution alimentaire.

Cette volonté de simplifier et d’assouplir les conventions d’affiliation en faveur des affiliés est mise à mal par la création d’un régime spécial pour la franchise alimentaire, qui nuit ainsi à l’unité du droit de la franchise.

Toutefois, le parlement devant suspendre ses travaux fin février pour cause d’élection présidentielle et législative, l’adoption définitive de la loi dans le cadre de cette mandature demeure chimérique. Espérons qu’une réflexion d’ensemble sera menée et parachèvera cette amorce de réforme…

Distribution alimentaire : toujours dans le collimateur de l’ADLC !

L’Autorité de la Concurrence déplore l’extrême concentration du marché parisien sur le secteur de la distribution alimentaire

Dans un avis du 11 janvier 2011, avis n° 12-A-01, l’Autorité de la Concurrence dresse un constat assez alarmant de la situation concurrentielle sur le marché parisien de la distribution alimentaire : la distribution alimentaire généraliste est particulièrement concentrée dans Paris intra-muros, et ce au profit du groupe CASINO.

Le groupe CASINO détient ainsi une part de marché en surface supérieure à 60% de son principal concurrent, le groupe CARREFOUR, et entre 50 et 70 % en part de chiffre d’affaires.

Il ne faudrait pas en déduire trop hâtivement que l’Autorité reconnait par là une position dominante, et encore moins un abus de position dominante ; du moins, l’avis ne formule pas de conclusion expresse en ce sens.

L’ancien Conseil de la Concurrence ne s’arrête pas à cet amer constat et préconise plusieurs recommandations drastiques.

Ex ante, le contrôle des concentrations ne permet en effet qu’une intervention limitée sur la situation concurrentielle du marché, dans la mesure où une large part du développement récent du groupe CASINO à Paris ne résulte pas de concentrations, mais d’affiliation ou d’ouvertures de magasins.

L’Autorité de la Concurrence préconise ainsi un outil draconien : les injonctions structurelles qui seraient prévues à l’article 752-26 du code de commerce et permettraient d’enjoindre aux entreprises fortement présentes sur un marché de revendre des actifs à des concurrents.

Toutefois, même si cet outil semble de prime abord efficace pour réguler le marché, on doit espérer que le dispositif soit facilement applicable.

Renforcer la pression concurrentielle sur le marché en favorisant la diversité des acteurs présents, telle est la préoccupation majeure de l’Autorité.

Cet objectif se concilie avec l’avis du 7 décembre 2010 de la même autorité, préconisant plus de liberté aux affiliés qui devraient pouvoir choisir plus librement l’enseigne à laquelle ils veulent être rattachés.

De surcroît, la question de la suppression des clauses de non-concurrence et de non-affiliation post contractuelles est en actuelle discussion dans le cadre du projet de loi LEFEBVRE adopté au sénat le 22 décembre 2011.

Qui peut éviter le changement d’enseigne et n’empêche… ne pêche pas forcément !

(Note sous Cass. Com., 7 juin 2011, n° Pourvoi  10-17141)

Les barrières à la mobilité du secteur de la grande distribution alimentaire doivent tomber ; elles tombent peu à peu… Après la salve des avis de l’Autorité de la concurrence (V. not. ADC, 7 déc. 2010) ; avant l’intervention possible du législateur, la Cour de cassation livre ici un nouvel assaut. Quoique non publié, l’arrêt du 7 juin 2011 revêt ainsi une importance certaine. Ne serait-ce qu’à raison du scenario, extrêmement classique, qui en constitue la toile de fond : voici un franchisé qui, mécontent de son franchiseur, rompt son contrat de manière anticipée afin de rejoindre un réseau concurrent. Question : le nouveau partenaire de ce franchisé peut-il voir sa responsabilité civile engagée à l’égard de l’ancien franchiseur ? C’est tout le problème de la complicité en droit civil : que le franchisé soit condamné pour rupture abusive de son contrat est une chose ; qu’il en aille nécessairement de même pour son nouveau partenaire en est une autre.

La Cour de cassation l’avait déjà posé en 2009 : après avoir relevé que la rupture anticipée d’un contrat de franchise était exclusivement imputable au franchisé, une cour d’appel a pu décider qu’il était loisible au franchisé de se tourner vers de nouveaux fournisseurs et en déduire que ces derniers pouvaient sans faute contracter avec leur nouveau client dès lors qu’il n’était pas discutable qu’au moment de la conclusion des nouveaux liens contractuels, les anciens avaient été rompus. Ce dont on pouvait déduire que le nouveau partenaire du franchisé n’engageait sa responsabilité qu’en cas de déloyauté manifeste. Et que le seul fait pour lui de connaître les engagements contractuels du franchisé ne suffisait à caractériser une faute. Comme si la complicité par omission était exclue du droit civil au seul profit de la complicité par instigation.

C’est tout l’intérêt de l’arrêt du 7 juin 2011 que de le poser explicitement : pas d’acte positif, pas de complicité ! Et les faits de l’espèce donnent à cette règle un relief tout particulier. De fait, l’ancien franchiseur avait pris les devants : ayant eu vent des projets de sécession de son partenaire, il avait pris soin de notifier à son concurrent un exemplaire du contrat de franchise. En sorte que le nouveau partenaire du franchisé ne pouvait invoquer l’ignorance des engagements de ce dernier. Peu importe répond la Cour de cassation : rien n’établissait que ce nouveau partenaire ait positivement poussé le franchisé à violer son contrat en le rompant de manière abusive.

Techniquement, on dira que la solution remet en cause une jurisprudence « Branly » fermement établie selon laquelle la faute visée à l’article 1382 du Code civil englobe tout à la fois les fautes de commission et d’omission. Politiquement, cette exception se justifie toutefois au regard d’un objectif désormais essentiel du droit de la distribution : déverrouiller le secteur de la grande distribution alimentaire ; faire tomber les citadelles.

Le franchiseur qui tirait plus vite que son ombre

A propos de Cass. com., 18 janvier 2011, n° Pourvoi 09-72508

Les franchiseurs ont parfois la gâchette facile. Certes, il s’agira le plus souvent pour eux d’évincer un franchisé du réseau. Il arrive toutefois qu’il en aille de même pour le contraindre à y entrer ; l’arrêt du 18 janvier 2011 en témoigne.

Imaginez : l’exploitant d’une supérette et rencontre un franchiseur de la grande distribution alimentaire afin de conclure un contrat de franchise. Les discussions s’entament ; des courriers s’échangent. Une lettre du franchiseur formule une proposition commerciale prévoyant le passage du magasin sous l’enseigne du réseau avant une date précise, la fourniture d’une aide financière liée aux coûts des travaux requis ainsi qu’une dispense de redevance sur le chiffre d’affaires non alimentaire. Trois jours plus tard, le destinataire de cette « proposition » donne son accord, indiquant au surplus sa volonté de « formaliser au plus tôt l’ensemble de ces dispositions ». Cependant, aucun projet de contrat non plus qu’aucun document d’information précontractuel ne sont envoyés.

De sorte que la question était la suivante : l’accord du candidat à la franchise scellait-il un véritable contrat de franchise ? Les interlocuteurs avaient-ils dépassé le simple stade des pourparlers ? Car ledit candidat s’était finalement ravisé, le franchiseur n’ayant jamais donné suite à sa lettre de confirmation. Un franchiseur qui l’avait pourtant assigné aux fins d’exécution forcée du contrat de franchise, ou à défaut de condamnation à dommages et intérêts.

La question était ainsi l’une des plus classiques du droit des contrats : la lettre du franchiseur cristallisait-elle une offre ? Celle du franchisé, une acceptation ? La Cour d’appel de Pau, dans un arrêt du 25 juin 2009, avait clairement opté pour la négative. Ce que confirme ici la Cour de cassation : il ressortait notamment de l’absence d’envoi d’un projet de contrat de franchise que « les parties ne s’étaient pas engagées de façon irrévocable l’une envers l’autre à conclure un contrat de franchise dans des conditions suffisamment définies ».

Par où la cour d’appel avait pu qualifier leurs engagements de simple accord de principe. Peu importait à cet égard qu’aucun DIP ne fût envoyé par le franchiseur.

La solution est parfaitement justifiée : une offre de contracter n’existe qu’à condition d’être ferme et précise. A défaut, une « proposition commerciale » s’analyse en une simple invitation à entrer en pourparlers. De fait, comment le franchiseur pouvait-il prétendre que son interlocuteur était engagé dans les liens d’un véritable contrat de franchise sans connaître ses obligations précises ; sans mesurer les engagements du franchiseur en termes d’assistance ou de publicité ; sans avoir la moindre idée des clauses relatives à la cessation du contrat ; sans même enfin que le taux de redevance fût clairement fixé ? Etait-ce au juge de fixer ces points pourtant essentiels de l’accord ?

L’arrêt du 18 janvier 2011 le rappelle implicitement mais nécessairement : un contrat de franchise ne se réduit pas à la jouissance d’une enseigne ! Ce que certains franchiseurs feignent parfois d’oublier…

Cet arrêt illustre donc à nouveau la pertinence du vieux dicton : il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Reste l’accord de principe, bien sûr. Dont l’existence engageait au moins les parties à poursuivre les négociations de bonne foi. Mais ici aussi, le franchiseur ne pouvait rien reprocher à son interlocuteur. Car il n’avait même pas pris soin de répondre au courrier de ce dernier et, comme le relève la cour d’appel, n’avait formulé aucune offre.

Professionnels du mobile, situation fragile !

Le sort des distributeurs d’abonnements téléphoniques évincés de leur réseau

Les distributeurs d’abonnements téléphoniques subissent le tassement du marché ; cela se constate même au plus haut niveau des juridictions françaises. A quelques mois d’intervalle, la Cour de cassation a en effet rendu deux importantes décisions à propos à ce sujet . A chaque fois, la situation est à peu près la même : un distributeur lié à un opérateur de téléphonie mobile par un contrat de distribution exclusif se retrouve sans réseau, son contrat n’étant pas renouvelé ou faisant l’objet d’une résiliation anticipée. Dans les deux cas, le distributeur demande une sorte d’indemnité d’éviction.

Le problème est cependant bien connu : à défaut de prouver un abus de la part du maître du réseau, le distributeur évincé se trouve apparemment dépourvu de toute protection. Privé de ressources économiques, il serait également dénué de ressources juridiques.

Les juristes ont toutefois de l’imagination. Afin de soutenir la cause de ces distributeurs, certains ont ainsi eu l’idée de solliciter l’application du statut d’agent commercial. Il est vrai que celui-ci a ceci d’attractif qu’il prévoit expressément une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat . Simple coup d’épée dans l’eau néanmoins… Dans un arrêt du 15 janvier 2008, la chambre commerciale de la Cour de cassation rejette la thèse en rappelant que « l’agent commercial est un mandataire indépendant chargé de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats au nom et pour le compte de son mandant ». Or, relève la Cour, le distributeur chargé d’assurer la diffusion de services de radiotéléphonie et d’assumer les tâches liées à l’enregistrement des demandes d’abonnement, ne pouvait apporter aucune modification aux tarifs et conditions des abonnements, ce qui excluait tout pouvoir de négociation au sens de la définition rappelée ci-dessus. En clair, c’est parce qu’il ne pouvait rien changer aux contrats d’abonnements qu’il diffusait que le distributeur ne pouvait se prévaloir du statut d’agent.

Ce faisant, la Cour de cassation adopte une conception extrêmement restrictive de l’agence commerciale. De fait, n’est-il pas réducteur de lier le pouvoir de négociation d’un contrat à la faculté d’en modifier les clauses ? Une personne dont la tâche consiste à convaincre une autre de conclure un contrat ne « négocie »-t-elle pas elle aussi ? Rappelons d’ailleurs qu’un agent commercial chargé de conclure des contrats au nom et pour le compte de son donneur d’ordres peut fort bien être tenu de respecter les instructions impératives de ce dernier. Privé du pouvoir de modifier le contrat qu’il conclut pour son donneur d’ordres, l’agent n’en perd pas pour autant le bénéfice de son statut. De ce point de vue, l’arrêt du 15 janvier s’avère critiquable.

Reste qu’il exclut la qualification d’agent de manière particulièrement ferme. Le distributeur d’abonnements téléphoniques dispose-t-il d’autres moyens de protection ? Telle est donc la question qui reste en suspens.

Deux pistes de réflexion viennent alors à l’esprit. Du côté du droit du travail, tout d’abord. Et pour cause : si les distributeurs d’abonnements n’ont bel et bien aucune marge de manœuvre sur les tarifs et les conditions de vente, l’application du droit du travail est envisageable. Elle l’est d’autant plus que ces distributeurs exploitent le plus souvent leur boutique de manière exclusive pour le compte de tel ou tel opérateur dans un local agréé par ce dernier, ce qui permet de brandir l’article L 7321-2 2° b du Code du travail. Du côté du droit des obligations, ensuite. Dans un arrêt du 9 octobre 2007, la Cour de cassation a reconnu à un franchisé SFR le droit à une indemnité de fin de contrat aux motifs que la cessation de son contrat avait eu lieu du fait du franchiseur d’une part, qu’en raison de la clause de non-concurrence stipulée dans le contrat, cette cessation aboutissait à  déposséder le franchisé de sa clientèle d’autre part.

Certes, l’arrêt du 15 janvier précité n’évoque à aucun moment la solution posée en 2007. Cela étant, le distributeur n’invoquait pas ici l’effet préjudiciable d’une clause de non-concurrence. Il est donc encore un peu tôt pour enterrer les espoirs suscités par la jurisprudence du 9 octobre 2007. Espérons toutefois qu’un prochain arrêt fixe le sort de ces distributeurs dont la situation demeure, en attendant, beaucoup trop fragile.