La Cour de Cassation consacre le principe d’une information réaliste du futur franchisé et ce y compris si celui-ci est déjà un professionnel du secteur !

L’obligation d’information pèse sur le franchiseur… même si le candidat à la franchise est déjà un professionnel du secteur d’activité concerné

Commentaire de l’arrêt rendu le 25 juin 2013 par la Cour de cassation (N° de pourvoi: 12-20815).

Dans cette affaire un franchisé déjà en activité dans un réseau avait crée un second fonds après avoir pris connaissance des comptes prévisionnels fournis par le franchiseur.

Après une rupture du contrat les parties se sont retrouvées devant le tribunal et le franchisé a alors soulevé la nullité du contrat au motif qu’il avait été trompé par les prévisionnels du franchiseur.

Les juges lui ont donné raison ! ils ont estimé que l’écart entre les prévisionnels et les réalisés prouvaient que les premiers étaient irréalistes.

Ils ont estimé que le franchiseur aurait du établir ces comptes prévisionnels à partir d’expériences réelles portant sur la période antérieure à la signature du contrat.

 Ainsi la cour de Cassation entérine un raisonnement que nous pronons depuis des années à savoir que les comptes prévisionnels doivent être établis à partir des chifffres réels de fonds en activité !

L’arrêt mérite d’être cité in extenso :  

 

Mais attendu qu’après avoir retenu que, même si le dirigeant de la société CLE n’était pas novice pour avoir repris avec succès un centre de lavage de la même enseigne dans une autre région quelques années auparavant, la société Hypromat devait lui communiquer des chiffres sérieux concernant le marché local, l’arrêt relève que le chiffre d’affaires prévisionnel annoncé par le franchiseur s’est révélé deux fois supérieur à celui réalisé par la société CLE qui, même après plusieurs années d’exploitation, n’a jamais réussi à atteindre le montant annoncé pour la première année ; qu’il ajoute que cet écart dépasse la marge habituelle d’erreur en la matière, qu’aucune défaillance dans la gestion de l’entreprise par le franchisé n’est de nature à l’expliquer et que la société Hypromat ne fournit aucun exemple de centres de lavage implantés dans des agglomérations de taille similaire ayant réalisé entre 2003 et 2008 des chiffres d’affaires comparables aux prévisions annoncées ; qu’il en déduit que la société Hypromat, qui a fourni à la société CLE un prévisionnel irréaliste et chimérique, a failli à son obligation d’information et que la société CLE, trompée sur cet élément déterminant dans le calcul des risques qu’elle prenait en ouvrant un centre, a ainsi été victime d’un vice du consentement ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui n’avait pas à suivre la société Hypromat dans le détail de son argumentation, a justifié sa décision sans être tenue de procéder aux recherches inopérantes visées aux première, deuxième et cinquième branches ; que le moyen n’est pas fondé.

Cette décision est très encourageante et donne un axe de réflexion clair sur les conditions de mise en œuvre de la responsabilité de la tête de réseau.

 

Le Conseil d’Etat précise le régime des avis de l’Autorité de la Concurrence

Le régime des avis de l’Autorité de la Concurrence

(Conseil d’Etat 11 octobre 2012, société CASINO Guichard-perrachon, req. N°357193)

Suite à l’avis du 11 janvier 2012 (cf article « Distribution alimentaire : toujours dans le collimateur de l’ADLC »), le groupe CASINO, dont le poids prépondérant sur le marché de la distribution alimentaire avait été constaté dans cet avis, a saisi le conseil d’état d’un recours en annulation. Lire la suite

Indemnité de fin de contrat d’un agent commercial : la mère doit-elle payer pour sa fille ?

obs. sous Cass. com., 12 juin 2012, n° 11-16109, JCP E 2012

Voici un agent commercial qui conclut son contrat d’agence avec la filiale d’un groupe de société. A la faveur d’une nouvelle politique imposée par la mère du groupe, ce contrat se trouve rompu. L’indemnité de fin de contrat prévue par l’article L.134-12, al. 1er, du Code de commerce, est donc due (« en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi », dispose ce texte). Mais par qui au juste ? Lire la suite

Délai pour agir en nullité du contrat de franchise pour absence de rentabilité

(Note sous CA Colmar, Chambre civile 1, section A, 15 Mai 2012)

De manière générale, la jurisprudence se montre de plus en plus sensible à l’exigence de rentabilité en matière de franchise. Deux arrêts du 4 octobre 2011 rendus par la Cour de cassation ont lancé le mouvement en acceptant d’annuler un contrat de franchise pour erreur sur la rentabilité, laquelle résultait d’une mauvaise information précontractuelle imputable au franchiseur. Souvent, un écart sensible entre les prévisionnels remis par le franchiseur et les chiffres effectivement réalisés par le franchisé caractérisera l’erreur de ce dernier. Un arrêt du 12 juin 2012 confirmait cette tendance en décidant qu’ « ayant retenu que les chiffres prévisionnels contenus dans [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][le document d’information précontractuel], fournis par le franchiseur, sont exagérément optimistes au regard de l’écart très important qu’ils présentent avec les chiffres d’affaires réalisés par [le franchisé, à qui] il n’est reproché aucune faute de gestion, et relevé que ces données portent sur la substance même du contrat de franchise, pour lequel l’espérance de gain est déterminante, la cour d’appel … a caractérisé le vice du consentement qu’elle a retenu pour prononcer l’annulation du contrat ».

Qu’un contrat de franchise puisse être annulé pour erreur sur la rentabilité de l’activité entreprise, voilà qui n’est donc plus douteux. La rentabilité est une donnée essentielle et déterminante du contrat de franchise : les candidats à la franchise le savent depuis longtemps ; les tribunaux le reconnaissent désormais clairement.

Reste alors à déterminer le régime de la nullité du contrat. Et de ce point de vue, la question du délai pour agir se pose au premier chef. L’argument sera en effet fréquemment invoqué par le franchiseur : vous agissez trop tard ! Quelles sont donc les règles applicables ? L’arrêt rendu le 15 mai 2012 par la Cour d’appel de Colmar les rappelle très nettement en décidant que l’action en nullité pour vice du consentement est soumise à la prescription quinquennale. Il convient en effet de se référer à l’article 1304 du Code civil : « dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans. Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d’erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts ». Dès lors, si les informations inexactes relatives à l’emplacement du futur franchisé, au loyer dû, au nombre de pistes de lavage (il s’agissait d’une franchise de station de laverie automatique), ne pouvaient échapper au franchisé, en revanche, le défaut de rentabilité de l’exploitation ne pouvait pas être immédiatement décelé. En effet, ce n’est qu’à la suite d’une période minimale d’activité que le caractère erroné des informations fournies sur la rentabilité pressentie de l’affaire pouvait être décelé.

Au cas particulier, le franchisé n’avait d’ailleurs attendu que trois mois pour manifester ses problèmes de rentabilité au franchisé. C’était fort peu. Le délai accordé au franchisé pour se rendre compte qu’il a été dupé pourrait raisonnablement aller plus loin. C’est un signe de souplesse qui montre les avantages de raisonner sur le terrain des vices du consentement. Après tout, un franchisé pourrait tout aussi bien recourir à la théorie de la cause. Pourquoi s’engage-t-il en effet ? Afin de réitérer une réussite commerciale ! La franchise, c’est bien cela : la duplication d’un savoir-faire pour réussir ! Que l’exécution du contrat selon l’économie voulue par les parties soit impossible, le contrat devrait être nul pour absence de cause. Mais la nullité pour absence de cause se prescrit par cinq ans à compter de la conclusion du contrat. De ce point de vue, le fondement de l’erreur paraît donc bien plus expédient.

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La franchise : le mot et la chose

(A propos de deux arrêts rendus le 18 janvier 2012 par la chambre sociale de la Cour de cassation, n° 10-16342 ; n° 10-23921)

 C’est l’un des maîtres mots de la franchise : l’indépendance ! Parfois invoqué de manière incantatoire, celle-ci est censée innerver cette technique de distribution. Juridiquement indépendant, le franchisé serait à mille lieux du salarié. Qu’un contrat soit ostensiblement intitulé « franchise » n’empêche toutefois pas d’envisager l’application du droit du travail lorsque cette indépendance n’est plus qu’un vain mot…

Les deux arrêts rendus le 18 janvier 2012 par la chambre sociale de la Cour de cassation revêtent à cet égard une indéniable portée didactique. Rendus le même jour, ils rappellent les deux voies par lesquelles le droit du travail est susceptible de s’immiscer dans les rapports entre de prétendus franchiseurs d’une part et de prétendus franchisés d’autre part.

La première affaire concernait le réseau FIVENTIS, spécialisé dans la commercialisation des produits immobiliers, d’assurance-vie et d’épargne défiscalisée. L’examen des contrats litigieux avait toutefois révélé une série de clauses traduisant l’assujettissement du distributeur, lequel n’était en réalité qu’un simple agent d’exécution, ne disposant d’aucune autonomie. De telle sorte qu’en résiliant ledit contrat, la tête de réseau avait procédé à un licenciement ouvrant droit aux indemnités afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre les rappels de salaires et de congés payés, l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés ainsi que le remboursement du droit d’entrée et des redevances ayant été indûment perçues. Ici, un véritable lien de subordination avait permis à la cour d’appel de Rennes de caractériser un véritable contrat de travail. Ce qu’avalise la Cour de cassation dans des termes dénués d’ambiguïté pour rejeter le pourvoi formé par le soi-disant franchiseur : « Mais attendu que la cour d’appel a retenu que la société FIVENTIS avait, selon les stipulations du contrat de franchise, imposé à M. X… des obligations détaillées et applicables de bout en bout dans les relations avec les clients, renforcées ensuite par des instructions tout aussi détaillées, que, transformé en simple agent d’exécution, l’intéressé ne disposait d’aucune autonomie et qu’en résiliant le contrat, la société avait fait usage de son pouvoir de sanction ; qu’en l’état de ces constatations, elle a pu en déduire, sans être tenue de retenir que les sociétés JPB CONSEILS et JPB COURTAGE avaient un caractère fictif, que M. X… se trouvait dans un lien de subordination à l’égard de la société FIVENTIS, caractérisant un contrat de travail ».

La seconde affaire concernait cette fois le réseau YVES ROCHER. Et rappelle que l’application du droit du travail n’implique pas nécessairement qu’un lien de subordination, impliquant pouvoir de direction, de surveillance et de sanction, soit établi. Ce que rappelle ici fort clairement la Cour de cassation dans son principal attendu : « l’action tendant à faire reconnaître que les dispositions de l’article 7321-2 du code du travail sont applicables à un rapport contractuel n’exige pas que soit établie l’existence d’un lien de subordination ». Il convient en effet de rappeler qu’aux termes de ce l’article L7321-2, 2°, « est gérant de succursale toute personne dont la profession consiste essentiellement a) soit à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise ; b) soit à recueillir les commandes ou à recevoir des marchandises à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d’une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise ».

Ces deux décisions ont le mérite de rappeler que l’indépendance du franchisé ne relève pas seulement d’un discours publicitaire tenu à l’attention des candidats à la franchise. Elle doit exister dans les faits ; au-delà des mots en somme.