Le principe : franchisé est franchiseur sont des commerçants juridiquement indépendants.
La franchise relie deux commerçants, franchiseur et franchisé, juridiquement indépendants.
De sorte que chacun est censé répondre de ses fautes, point. Au reste, la plupart des contrats stipulent expressément qu’en aucun cas les tiers ne pourront rechercher la responsabilité du franchisé du fait de ses errements. C’est toutefois un peu court.
D’abord, il est évident qu’en sa qualité de tête de réseau, un franchiseur est tenu d’en assurer la discipline. Que l’un des franchisés vienne à défaillir, l’image de tout le réseau en est affectée. Le franchiseur qui n’y mettrait pas bon ordre engagerait ainsi nécessairement sa responsabilité envers les autres franchisés.
Ensuite, même les tiers peuvent être tentés de rechercher la responsabilité du franchiseur.
Tel sera le cas, par exemple, si la franchise distribue des produits qui s’avèrent défectueux. Les articles 1386-1 et suivants du code civil ne peuvent être contournés par le franchiseur qui, s’il distribuait les dits produits aux franchisés pour que ceux-ci les revendent, peut naturellement être inquiété.
La responsabilité des commettants du fait de leurs préposés dans l’avant-projet de réforme du droit de la responsabilité civile
Mais l’avant-projet de réforme de la responsabilité civile ouvre de plus larges perspectives encore. Il reformule en effet le texte applicable à la responsabilité des commettants du fait de leurs préposés dans des conditions telles que son champ d’application en ressort considérablement élargi. A l’heure actuelle, la notion de commettant est principalement associée à celle de patron, d’employeur. Avec cette idée simple que l’employeur répond des fautes de ses salariés dès lors que celles-ci ne participent pas d’un abus de fonction. Demain, si l’avant-projet de loi passe en l’état, cette notion sera cependant bien plus général. Qu’il suffise de lire l’article 1249 du code civil dans sa version envisagée :
« Le commettant est responsable de plein droit des dommages causés par son préposé. Est commettant celui qui a le pouvoir de donner des ordres ou des instructions en relation avec l’accomplissement des fonctions du préposé.
En cas de transfert du lien de préposition, cette responsabilité pèse sur le bénéficiaire du transfert ».
En voilà une définition ! Manifestement, elle correspond à la relation qu’entretiennent franchiseur et franchisés. Celui-là ne donne t-il pas à ceux-ci des « instructions en relation avec l’accomplissement » de leur fonction ?
Une responsabilité fondée sur un lien de dépendance économique
L’idée, au demeurant, n’est pas totalement nouvelle. Dès 2005, l’avant-projet de réforme du droit des obligations rédigé sous les auspices de Pierre Catala s’attaquait à cette question. L’avant projet proposait de consacrer expressément la responsabilité des franchiseurs du fait des franchisés. Cette responsabilité était justifiée par le lien de dépendance économique qui les relie. C’était l’article 1360 de ce corpus, dont le texte demeure fort intéressant :
« En l’absence de lien de préposition, celui qui encadre ou organise l’activité professionnelle d’une autre personne et en tire un avantage économique est responsable des dommages causés par celle-ci dans l’exercice de cette activité (…). De même, est responsable celui qui contrôle l’activité économique ou patrimoniale d’un professionnel en situation de dépendance, bien qu’agissant pour son propre compte, lorsque la victime établit que le fait dommageable est en relation avec l’exercice du contrôle. Il en est ainsi notamment des sociétés mères pour les dommages causés par leurs filiales ou des concédants pour les dommages causés par leurs concessionnaires ».
Peut-être quelque fédération, association ou autre groupe de pression arrachera t-elle au gouvernement un nouveau texte qui atténue le risque que représente cet article 1249…
Il n’en contient pas moins une idée très juste : dès lors qu’un franchiseur contrôle étroitement les conditions d’exercice de l’activité de ses franchisés, il encourt une certaine responsabilité. Là où est le pouvoir, se trouve la responsabilité : l’adage est connu.
La responsabilité du franchiseur du fait de son franchisé
En toute hypothèse, la responsabilité du franchiseur du « fait » de ses franchisés ne se conçoit pas seulement pour faute. Imaginez un franchisé, exploitant son activité sous forme sociétaire, dont les affaires tournent mal. Sa chute précipite nécessairement la ruine de son dirigeant personne physique. Elle cause aussi des difficultés aux cocontractants de ce franchisé. Toutes ces victimes par ricochet ne peuvent-elles rechercher la responsabilité du franchiseur ? Imaginons par exemple que cet échec soit dû à un mauvais concept, de mauvais conseils, une mauvaise assistance ? Cela paraît normal. Dans toutes ces hypothèses, l’échec, « le fait » du franchisé n’est que la conséquence, voire la manifestation de la « faute » personnelle du franchiseur.
Certes, les franchiseurs aiment à jouer sur le registre de la responsabilité en rappelant que la franchise n’est pas l’assistanat. Soit. Mais qu’ils prennent également leur responsabilité et assument jusqu’au bout la logique de ce discours. Les franchisés ne doivent pas être des assistés, c’est entendu. Mais pas plus que les franchiseurs ne doivent être des rentiers.